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est impossible; comme si l'on disait, par exemple : «Scipion l'Africain sera maître de Carthage;» vous conviendrez aussi que lorsqu'on prédit l'avenir tel qu'il doit être, lorsqu'on parle d'un événement qui véritablement arrivera, l'événement devra nécessairement arriver. Mais ce sont là toutes les maximes de Diodore, qui sont ennemies des vôtres. Si l'on doit tenir pour vraie une proposition de cette sorte: «Celui qui est né au lever de la Canicule ne mourra pas dans la mer,» et si ce qu'affirme la première partie de la proposition est nécessaire (tout ce qui est vrai dans le passé est nécessaire; Chrysippe en convient lui-même, malgré le sentiment de son maître Cléanthe; car ce qui est fait est immuable; le vrai dans le passé ne peut plus devenir le faux); si, disons-nous, ce qu'affirme la première partie de la proposition est nécessaire, la conséquence est pareillement nécessaire. Chrysippe n'admet pas cette nécessité dans tous les cas. Mais cependant si une cause naturelle s'oppose à ce que Fabius meure dans la mer, il est impossible que Fabius périsse dans la mer.

[8] VIII. Voilà qui embarrasse fort, Chrysippe; que répond-il? que sans doute les Chaldéens et tous les devins se trompent en employant cette forme de proposition, et qu'ils ne doivent pas dire : «Celui qui est né au lever de la Canicule ne mourra pas dans la mer, » mais plutôt : «Il n'est pas d'homme qui soit né au lever de la Canicule, et qui doive mourir dans la mer.» O plaisante hardiesse ! pour ne point prêter le flanc à Diodore, le voilà qui veut apprendre aux Chaldéens à énoncer leurs théorèmes. Mais si les Chaldéens doivent introduire dans leur langage la négation absolue de certaines liaisons de choses, au lieu d'affirmer absolument la liaison de certaines choses, pourquoi la médecine, la géométrie et tous les autres arts ne suivraient-ils pas la même méthode? Le médecin, en première ligne, ne donnera pas au fruit de son expérience la forme suivante : «Celui dont le pouls bat de telle façon, a la fièvre; » mais il dira plutôt : « Il n'y a point d'homme dont le pouls batte de telle façon, et qui n'ait la fièvre.» Le géomètre ne dira pas non plus : «Les grands cercles de la sphère se coupent par le milieu, » mais bien : «Il n'y a point sur la sphère de grands cercles qui ne se coupent par le milieu.» Enfin il n'est pas au monde une seule proposition qui ne puisse se transformer de telle sorte qu'au lieu d'affirmer une liaison, on nie un rapport. Et ce n'est pas sa seule transformation qu'on puisse faire subir à l'énoncé des théorèmes. Nous disions d'abord : «Les grands cercles de la sphère se coupent par le milieu;» nous pouvons dire : «S'il y a des grands cercles sur la sphère; » ou bien encore: «Puisqu'il y a des grands cercles sur la sphère.» On peut donner vingt formes diverses à une proposition, mais, de toutes, la plus bizarre est celle dont Chrysippe espère que les Chaldéens se voudront contenter par amour pour le Stoïcisme. Le malheur est que pas un d'eux ne veut apprendre ce beau langage; car il est plus difficile d'étudier tous ces détours et ces finesses, que d'observer le lever et le coucher des astres.

[9] IX. Mais revenons à la question des possibles, si vivement débattue par Diodore; et demandons-nous quelle valeur logique il faut attribuer au possible. Diodore prétend qu'il n'y a de possible que ce qui est vrai actuellement ou le deviendra un jour. Penser ainsi, c'est déclarer qu'il