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entendre en traiter quelque point. — Je suis prêt, lui répondis-je, à vous satisfaire, ou à vous entendre vous-même. Mais vous avez bien raison de penser que je n’ai point renoncé à ces exercices oratoires qui ont redoublé votre zèle, m’a-t-on dit, alors que déjà votre ardeur était extrême ; et d’ailleurs, les sujets qui m’occupent maintenant ne sont pas de nature à affaiblir, mais plutôt à vivifier l’éloquence. Je vois entre elle et le genre de philosophie que je cultive une fort étroite alliance ; l’orateur emprunte à l’Académie la finesse et la force de la pensée, et lui rend en retour l’abondance et les ornements du langage. Je crois être assez initié aux secrets de ces deux arts ; c’est donc à vous de me dire aujourd’hui quelle sorte de fruits vous voulez goûter. — Vous ne pouvez rien m’offrir de plus agréable et je reconnais là votre exquise bonté, toujours si prompte à satisfaire mes vœux. Mais je sais ce que vous pensez de l’éloquence ; plus d’une fois j’ai pu jouir de votre talent, et j’espère en jouir encore ; tandis que vos Tusculanes viennent de m’apprendre que vous avez adopté l’habitude académicienne de discuter et réfuter quelque proposition que ce fût. Je voudrais en faire l’essai, et vous donner un sujet, si vous le permettez. — Tout ce qui peut vous être agréable, lui dis-je, est fait pour me plaire. Mais, vous le savez, ce n’est pas un Grec que vous allez entendre, c’est un homme qui ne se hasarde pas avec trop de confiance à ce difficile exercice, et qui depuis longtemps a été distrait de ces études. — Je saurai vous entendre comme je sais vous lire, me répondit-il. Commencez donc…

(Lacune considérable)

[3] III. …Examinons ces exemples. En ce qui touche les uns, comme le poëte Antipater, l’influence du solstice d’hiver sur la naissance, la maladie simultanée de deux frères, l’urine, les ongles, et tant d’autres du même genre, il faut reconnaître une certaine sympathie naturelle que, pour ma part, je suis loin de nier ; mais je n’y vois point la marque de la fatalité. Pour ce qui regarde les autres, on y rencontre certainement quelques coups du sort, comme dans les aventures de ce naufragé, d’Icadius et de Daphitas. Posidonius même (j’en demande pardon à mon maître) me semble en tirer quelques-uns de son cru, car il en est, il faut bien le dire, qui sont de toute invraisemblance. Quoi, si la destinée de Daphitas était de tomber de cheval et de mourir de sa chute, fallait-il l’entendre d’une chose qui n’avait du cheval que le nom ? L’oracle avertit Philippe de se défier d’un quadrige : raisonnablement était-il question du quadrige gravé sur la garde de l’épée de son meurtrier ? Est-ce d’ailleurs cette garde d’épée qui lui a donné la mort ? Est-ce donc un événement bien merveilleux que ce naufragé, dont on ne nous dit pas le nom, soit tombé dans un ruisseau ? et cependant, au rapport de notre auteur, c’est dans les flots que l’oracle l’avait condamné à périr. Quant à l’histoire du brigand Icadius, je déclare que je n’y aperçois aucun effet du Destin ; car Posidonius ne nous dit pas qu’on lui ait rien prédit. Qu’y a-t-il d’étonnant qu’une pierre se soit détachée de la caverne pour lui rompre les jambes ? Je crois que, quand même Icadius n’aurait pas été dans la caverne, la pierre n’en fût pas moins tombée. Car, ou il n’y a absolument rien de fortuit, ou cet accident peut s’expliquer par le hasard. Voici la question que je fais, et qui s’étend fort loin : supposons que le Destin n’ait aucune influence, qu’il n’existe pas, qu’il n’en soit pas