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DE LA DIVINATION, LIV. I.

et secrètes. Parmi une foule de semblables exemples, en voici deux remarquables par leur importance. Peu de temps avant la prise de Rome, une voix partant du bois de Vesta, qui descend du pied du mont Palatin vers la rue Neuve, cria de réparer les murs et les portes, et qu’il arriverait, si l’on n’y prenait garde, que Rome serait prise. Cet avis, négligé pendant qu’il était encore temps, parut clair après le désastre qu’il annonçait. C’est alors qu’on éleva vis-à-vis ce lieu, à Aïus Loquens, l’autel que nous voyons encore entouré d’une enceinte. Plusieurs historiens rapportent aussi que, à la suite d’un tremblement de terre, une voix sortie du temple de Junon, dans la citadelle, demanda le sacrifice d’une truie pleine ; de là le surnom de Conseillère donné à cette Junon. Oserons-nous donc mépriser ces avertissements des Dieux et ces maximes de nos ancêtres ? Les Pythagoriciens observaient non-seulement les paroles des Dieux, mais aussi celles des hommes, ce qu’ils appelaient omina. C’est à cause de la vertu que nos pères y attachaient, qu’ils faisaient précéder toutes leurs actions de cette formule : « Que tout ici soit bon, favorable, heureux et fortuné ; » les sacrifices publics de cette injonction : « Faites silence ; » et les fêtes publiques de cet ordre : « Abstenez-vous de procès et de querelles. » De même, dans la revue d’une colonie par ses chefs, d’une armée par son général, dans le dénombrement du peuple par le censeur, on choisissait pour conduire les victimes des hommes portant des noms heureux. Les consuls dans l’enrôlement ont soin d’inscrire en tête un soldat portant un nom favorable, règle que vous avez religieusement observée comme consul et chef d’armée. La tribu appelée prérogative était aux yeux de nos ancêtres le présage de comices réguliers.

XLVI. Voici deux exemples bien connus de ces sortes de présages. Paul Emile, consul pour la seconde fois, venait d’être chargé de la guerre contre le roi Persée, lorsque, rentrant chez lui le soir de ce jour même, il remarqua, en embrassant sa fille Tertia alors en bas âge, qu’elle était toute triste. « Qu’est-ce donc, dit-il, ma Tertia ? pourquoi es-tu si triste ? — Mon père, répondit-elle, Persée est mort. » Alors embrassant tendrement l’enfant, « J’en accepte l’augure, ma fille, reprit-il. » C’était un petit chien portant ce nom qui était mort. J’ai entendu raconter à Lucius Flaccus, flamine de Mars, que Cécilia, fille de Métellus, voulant marier la fille de sa sœur, la conduisit, selon l’usage antique, dans une chapelle, pour prendre augure. La jeune fille était debout, et Cécilia assise depuis longtemps sans qu’aucune voix se fit entendre, lorsque la nièce fatiguée demanda à sa tante de lui permettre de s’asseoir un instant sur son siège ; celle-ci lui répondit : « Volontiers, mon enfant, je te cède ma place. » L’événement confirma bientôt l’augure. La tante mourut peu après, et la jeune fille épousa le mari de Cécilia. Je conçois fort bien que l’on méprise ces choses et même que l’on s’en moque ; mais n’est-ce pas douter de l’existence des Dieux que de mépriser leurs avertissements ?

XLVTI. Que dirai-je des augures ? cette question vous regarde, et c’est à vous de prendre la défense des auspices. Durant votre consulat, l’au-