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DE LA DIVINATION, LIV I. ils n’aiment pas les hommes , ou ils ignorent eux- mêmes ce qui doit arriver, ou ils estiment que la connaissance de l’avenir n’intéresse en rien les hommes, ou ils pensent qu’il n’est pas de la ma- jesté divine de nous annoncer les choses futures, ou hien enfin ils n’ont pas de moyen de nous en transmettre la connaissance. Mais les Dieux nous aiment, ils sont bienfaisants, généreux envers nous ; ils ne peuvent ignorer ce qui a été arrêté conformément à leurs propres desseins. Ils savent que l’avenir nous importe, et que notre prudence augmeute en proportion de cette prescience. Ces avertissementsne peuvent leur sembler au-dessous de leur majesté , car rien n’est plus grand que la bienfaisance. Enfin l’avenir ne peut leur être ca- ché. S’il n’y a point de Dieux, il n’y a point de signes de l’avenir : mais il existe des Dieux ; donc ils nous instruisent de l’avenir. S’il en est ainsi, ils nous donnent aussi le moyen de comprendre ces signes, qui autrement seraient nuls. Ce moyen c’est la divination. Il y a donc une divination. XXXIX. Voilà le raisonnement dont se sont servis Chrysippe , Diogène et Antipater ; et quel est donc l’argument qui pourrait renverser une vérité aussi bien démontrée ? Si la raison est de mon côté , si les événements, les peuples , les na- tions, si les Grecs aussi bien que les barbares, si nos propres ancêtres sont de mon avis ; si les philosophes les plus éminents,si les poètes , si les hommes les plus renommés par leur sagesse , si les fondateurs des républiques et des cités ont de te ut temps partagé cette opinion , attendrons-nous (,ue les animaux eux-mêmes parlent, et ne sau- rions-nous nous contenter du consentement una- nime des hommes ? Tout ce qu’on peut alléguer 203 contre les divers genres de divination , c’est qu’il est difficile de dire quelle est la cause et la raison de chacun d’eux. Un aruspice peut-il expliquer pourquoi une incision dans le poumon, même lors- que les entrailles sont favorables, indique une prorogation, un ajournement ? Un augure, pour- quoi le corbeau volant à droite et la corneille ;> gauche ratifient ce qu’on a intention de faire ? Un astrologue enfin, pourquoi la conjonction de Ju- piter et de Vénus avec la lune est favorable à l’en- faut qui naît, et celle de Saturne et de Mars malheureuse ? D’où vient que Dieu n’avertit pas toujours ceux qui dorment et néglige ceux qui veillent ? En vertu de quelle cause Cassandre fu- rieuse prédit-elle l’avenir, tandis que lesagePriam n’en peut faire autant ? Vous me demandez la raison de ces choses ; fort bien. Mais ce n’est pas là la question. Existent-elles oui ou non ? Voilà la question véritable. C’est comme si je vous disais que l’aimant est une pierre magnétique qui attire le fer, et que, ne pouvant vous rendre compte de ce phénomène, vous vous crussiez autorisé à nier le fait. Voilà ce que vous faites au sujet de la divination, que nous voyons, que nous avons apprise et par tradition et dans les livres, et que nos pères nous ont transmise. Avant la philoso- phie, laquelle est née depuis peu, qui aurait osé douter de ces choses ? Depuis la naissance et les progrès de la philosophie , aucun philosophe revêtu de quelque autorité ne s’est écarté de la doctrine générale. J’ai cité Pythagore, Démocrite, Socrate , n’exceptant des anciens que Xénophane ; à l’autorité de ceux-ci j’ai joint celle de l’ancienne Académie, des Péripatéticiens et des Stoïciens. Epicure est seul contre tous. Mais n’est-ce pas liominibus , quœ futura sunt : aut nondiligunt homines ; aut, quid eventiirum sit, ignorant ; aut existimant nihil interesse liominum , scire , quid futurum sit ; aut non cen- sent, esse sua ; majestalis, piwsignificare liominibus, quœ sunt futura ; aut ea ne ipsi quidam dii significare possunl. At nequenon diligunt nos ; sunt enim benefici , générique liominum amici : neque ignorant ea, qua ; ab ipsis consti- lula et designata sunt : neque nostra nihil interest, scire ea, qnœ evenlura sunt ; erimus enim cautiores, si sciemus : neque boc alienum duciint majestate sua ; nihil est enim beneficentia prœstantius : neque non possunt futura prœ- noscere. Non igitur sunt dii, nec signilîcant futura. Sunt anlem dii ; significant ergo. Et non , si signilicant, nullas vias dantnobis ad signiiicationis scientiam ; frustra enim signihearent ; nec , si dant vias , non est divinalio ; est igi- tur divinatio. XXXIX. Hac ratione et Chrysippus , etDiogenes, et Antipater utitur. Quid est igitur, car dubilandum sit, quinsintea, quœ disputavi , verissima ? Si ratio mecum fat i t , si éventa , si populi , si nationes, si Grœci, si barbari , si majores etiam nostri, si denique boc semper ila pula- tum est, si summi pbilosoplii, si poetœ, si sapientissimi vin, qui respublkas constiluerunt, qui urbes condide- runt : an, dum bestiœ loquantur, exspectamus, homi- aum consentiente auctoritate contenu non sumii6 ? Nec vero quidquam aliudaffertur, cur ea, quœ dico, divinandi gênera, nulla sint ;nisi, quod difficile dictu vi- detur,qu3e cujusque divinationis ratio, qme causa sit. Quid enim liabet aruspex, cur pulmo incisus eliam in bo- nis extis dirimat tempus, et proférât diem ? quid augur, cura dexlra corvus, a sinistra coinix faciat ratum ? quid astrologus, cur Stella Jovis, aut Veneris conjuncta cum Luna adortus pueroium salutaris sit, Saturai Martisve contraria ? Curautem deus donnientes nos moneat, vigi- lantes negligatPQuid deindecausœ sit, curCassandra furens futura prospiciat, Priamus sapiens hoc idem facere non queat ? Cur liât quidque, quœris ? Recle omnino. Sed non nunc id agitur : liât, neene fiât, id quœritur. Ut si magne- tem lapidem esse dicam , qui ferrum ad se alliciat et attra- hal ; rationem, cur id (iat, afferre nequeam : fieri omnino neges ? Quod idem facisin divinatione ; quam et cernimus ipsi, et audimus, etlegimus, et a patribusaccepimus. Ne- que ante philosopbiam patefactam, quœ nuper inventa est, hac de re communis vila dubilavit ; et postea , q ïam pliilosopliia processif , uemo aliter philosophas sensit, in quo modo esset auctoritas. L)ii de Pythagora, de Demo- ciito, de Socrate ; excepi de anliquis, prœter Xenopha- nem ; neminem adjunxi veterern Academiam, peiipateticos, stoicos. Unus dissentit Epicurus. Quid vero hoc turpius, quam quod idem nullam sensit graluitam esse virluteni ?