Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/209

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE LA DIVINATION, L1Y. I. mère, s’écrie-t-clle , ô la meilleure des épouses , me voilà donc condamnée au délire et aux fureurs prophétiques ! Apollon, ce Dieu sans pitié, me dévoile l’avenir au prix de ma raison. O mes sœurs, ô mes compagnes , ô mon excellent père , combien mon sort est déplorable ! et vous, ma mère, que je vous plains à cause de moi ! Tous vos enfants, excepté moi, ont été trouvés fidèles à Priam. O douleur ! ils le servent et lui obéissent avec dévouement ; seule j’ose m’opposer et dé- sobéir. » Comme ce caractère est plein de grâce, de ten- dresse et de vérité ! Mais ce que nous cherchons ici, c’est l’expression même de cette fureur pro- phétique : « La voilà , la voilà cette torche incen- diaire et ensanglantée : longtemps cachée, elle brille enfin. Accourez pour l’éteindre, citoyens ! » Ce n’est plus Cassandre, c’est un Dieu revêtu d’une forme humaine qui parle par sa bouche : « Déjà la flotte fatale sillonne les mers, elle con- tient l’essaim de nos malheurs ; elle arrive à voiles déployées, et jette sur le rivage nos implacables ennemis. » XXXII. Tragédies et ftibles que tout cela, dira-t-on. Mais je vous ai entendu vous-même raconter un fait bien avéré et du même genre. C. Coponius , homme des plus sages et des plus instruits, pendant qu’il commandait la flotte des Rhodiens comme propréteur, vint vous trouver à Dyrrachium pour vous dire qu’un rameur d’une quiuquérème de Rhodes avait prophétisé qu’avant trente jours la Grèce nagerait dans le sang , que Dyrrachium serait pillé, qu’on s’embarquerait a la hâte , et que dans cette fuite on aurait la rj9 douleur de voir derrière soi un vaste incendie - mais que la flotte des Rhodiens ne tarderait pas à trouver un abri dans les ports de leur patrie. Vous-même ne pûtes cacher vos craintes : quant à M. Varron et à M. Caton qui se trouvaient là, leur érudition ne les garantit pas d’une violento émotion. Peu de jours après, Labiénus fuyant annonça la déroute de Pharsale et la perte da l’armée. Le reste de la prédiction ne tarda pas à s’accomplir ; on pilla les greniers, et on répandit dans les rues et les places publiques le froment eu- levé. Frappés de terreur, vous vous embarquâtes en toute hâte, et la nuit suivante, en regardant vers la ville, vous vîtes brûler tous les bâtiments de transport auxquels les soldats avaient mis le feu, parce qu’ils ne voulaient pas suivre ; enfin, aban- donnés par la flotte des Rhodiens, vous recon- nûtes la vérité de la prédiction. Je vous ai exposé le plus brièvement que j’ai pu les oracles, produit du sommeil ou de la fu- reur, et où il n’entre pas d’art. Ces deux genres de divination découlent d’une même source. Aussi Cratippe avait-il coutume de dire que l’âme hu- maine est en partie indépendante du corps et d’une origine extérieure, entendant par là qu’il existe une âme divine dont la nôtre est une émana tion, mais qu’une portion de l’âme humaine, siège de la sensation, du mouvement et de l’appétit, est inséparable du corps ; tandis que l’autre partie , essentiellement raisonnable et intelligente , n’at- teint son plus haut degré de vigueur que par l’isolement complet de la partie matérielle de notre être. Après avoir énuméré des exemples de vaticinations et de songes véritables, Cratippe UM illa paullo ante sapiens, virginali modestia ? — Mater optuma , tum multo millier melior mulierum , IMissa sum superstitiosis hariolationibus ; Ramque me Apollo fatis tandis clemenlem invitant ciet. Virgines vero œquales, patris mei, raeum factum pudet, Optumi viri ; mea mater, tui me miseret, mei pigel. Optumam progeniem Priamo reperisti extra me : hoc dolet, Me obesse , illos prodesse ; me obstare , illos obsequi. Opoema tenerum, et moratum, atque molle ! sed hoc minus ad rem. Illad, quod volumus, expressum est, ut vaticinari furor vera soleat ; Adest, adest fax obvoluta sanguine atque incendio ; Multos annos latuit. Cives, ferte opem, et restiuguile. Ueus inclusus corpore humano jam, non Cassandra lo- quitur. Jamque mari magno classis cita Texitur ; exitium examen rapit , Advenit, et fera velivolantibus Navibu’ complevit manu’ liltora. XXXII. Tragœdias loqui videor, et fabulas. At ex te ipso non commenlitiam rem , sed factam , ejusdem generis au- tlivi : C. Coponium ad te venisse Dyrrhachïo, quiim prœ- torio imperio classi Rhodiœ praeesset, cumprimis hominem prudentem , atque docium ; eumque dixisse , remigem quemdam e quinqueremi Rhodiorum vaticinatum , made- j factura iri minus xxx diebus Graeciam sanguine ; raphias ’ Dyrrhachii, et conscensionem in naves cum fuga ; fugien- tibusque miserabilcm respectum incendiorum fore ; sed Rhodiorum classi propinquum reditumac domum itionem dari : tum neque te ipsnm non esse commotum , Marcum- que Varronem , M. Catonem, quitumibi eranl, doctos homines, vehementer esse perterritos : paucis sane post, diebus ex Pharsalica fuga venisse Labienum, qui qnum interitum exercitus nuntiavisset , reliqua vaticinationis breviesseconfecta. Nara etexhorreis direplumeffusumque frumentum vias omnes angiportusque constraverat ; et naves subito perlerriti metu conscendislis ; et noctu ad oppidum respicientes , flagrantes onerarias , quas incen- derant milites, quiaseqni noluerant, videbatis ; postremu a Rhodia classe deserli , verum vatem fuisse sensislis. Exposui, quam brevissime potui , somuii, et furorisora- cula, qua3 carere arte dixeram. Quorum amborum gene- rum una ratio est, qua Cratippus noster uli solet : animos hominum quadam ex parte extrinsecus esse tractos et liaustos. Ex quo intelligilur, esse extra divinum animum , humanus unde ducatur ; humani autem animi eam partero , qu.TCsensum, quai motum, quœ appetitum habeat, non esse ab actione corporis sejugatam ; quae autem pars animi, rationis atque inlelligenliaesit particeps,eam tum maxime vigere, quum plurimum absita corpore. Itaque, expositis exemplis verarum vaticinationum et somniorum , Cratip- pus solet rationein conclu dere hoc modo : Si sine ock