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DE LA DIVINATION, LIV. I. SOI soigneusement enregistrées , mais par une sorte d’excitation de l’âme, de mouvement libre et dé- sordonné , comme cela arrive souvent dans le sommeil , et quelquefois aux devins furieux, tels que Bacis le Béotien, Epiménide de Crète et la Sibylle Erythrée. Tels sont aussi les oracles, non lorsqu’on les tire au sort, mais lorsqu’ils sont le résultat d’une sorte d’enthousiasme et d’inspira- tion divine. Ce n’est pas que l’on doive dédaigner les sorts, s’ils ont pour eux l’autorité de l’antiquité, comme ceux que l’on dit être sortis de terre. Con- sultés de manière à ce qu’ils répondent exactement à la question , ils peuvent avoir un caractère di- vin ; et, quant à ceux qui se mêlent d’interpréter les oracles et les sorts , ils ne me paraissent pas moins approcher des devins que les grammairiens approchent des poètes dont ils interprètent les ouvrages. Pourquoi donc attaquer par la ca- lomnie, et je ne sais quelle subtilité d’esprit, des institutions si anciennes, si solidement éta- blies ? Vous en iguorez la cause première , dites- vous. Elle est peut-être cachée dans les obscuri- tés de la nature. Voilà des mystères ; ce n’est pas la science , mais le profit que Dieu a accordé à l’homme. J’en profiterai donc, et l’on ne m’amè- nera jamais à croire que toute l’Étrurie déraisonne sur les entrailles des victimes, que tout un peuple se trompe sur les éclairs et les foudres, qu’il in- terprète mal les prodiges , lorsque si souvent les secousses et les tremblements de terre , les mu- gissements souterrains ont annoncé à notre répu- blique et aux autres cités tant et de si cruelles calamités. On se moque aujourd’hui du prodige d’une mule qui fit un poulain ; mais cette produc- tion , contre l’ordre de la nature , ne présageait- elle pas aux yeux des aruspices l’enfantement de malheurs publics incroyables ? Quoi donc, Caïus Gracchus ne nous apprend-il pas, dans ses écrits, que son père Tibérius Gracchus, fils de Publius, deux fois consul, deux fois censeur, chef des au- gures, homme sage et citoyen éminent, convoqua les aruspices après avoir surpris deux serpents dans sa maison ? Les aruspices ayant répondu que s’il laissait aller lemâle, sa femme ne tarderait pas à mourir, et que s’il lâchait la femelle, il mourrait lui-même, il estima qu’il était plus juste d’épargner sa femme qui était jeune et fille de Scipion l’Africain, et d’aller lui-même au-devant d’une mort qui n’avait rien de prématuré. Il lâ- cha donc la femelle, et mourut peu de jours après. XIX. Moquons-nous après cela des aruspices comme de gens vains et frivoles ; méprisons des pratiques approuvées par la sagesse éminente de Gracchus , et revêtues de l’autorité des faits. Méprisons aussi les Babyloniens, et ceux qui, du haut du mont Caucase, étudient les signes célestes et la marche des constellations. Taxons de vanité, de folie et de témérité, ces peuples qui conservent, comme ils l’assurent, des annales remontant à quatre cent soixante et dix mille ans. Traitons- les d’imposteurs qui ne font aucun cas du juge- ment que les siècles à venir porteront d’eux. Soit ; ce ne sont là que des barbares aussi vains que menteurs. Mais l’histoire grecque nous trompe- t-elle aussi ? A propos de la divination naturelle , qui ignore les réponses d’Apollon Pythien aux Athéniens, aux Lacédémoniens , aux Tégéates, aux Argiens , aux Corinthiens ? Chrysippe a pr s soin de recueillir d’innombrables oracles, tous revêtus d’autorités et de témoignages imposants. rent autem arte ii , qui , non ratione aut conjectura ob- servatis ac notatis signis, seil concitatione qiiadam ani- mi, aut solulo liberoque motu futuva praesentiunt(quod et somniantibus saepe contingit , et nonnunquam valicinan- libnsper furorem) : ut Bacis Bœotius , ul Epimenides des ut Sibylla Erytbraca. Oijus generis oiacula etiam babenda surit, non ea, quœ aequalis sortibus ducuntur, sed illa, qwe instinctu divino afflatuque fundunlur. Etsi ipsa sors contemnenda non est , si et auctoritatem habet velustatis , u t eae sunt sortes, quas e terra éditas accepimus : quae tamen ductae ut in rem apte cadant, fieri credo posse divinitus. Quorum omnium interprètes, ut grammatici poetarum, proxime adeorum, quos interpretantur , divinationem videntur accedere. Quae est igitur ista calliditas, res vetuslate robustas calumniando velle pervertere ? Non re- perio causam. Latet fortasse obscuritate involuta naturae. Non enim medeus ista scire, sed bis tantummodo uti vo- luit. Utar igitur , nec adducar, ut rear , aut in extis totam Etruriam delirare, aut eamdem gentem in fulguribus er- rare , aut fallaciter portenla interprétai ! , quum terra ? saepe fremitus, saepe mugitus, saepe motus multa nostrae reipu- blicee, multa ceteris civitatibus gravia et vera praedixe- rint. Quid ? qui irridetur , partus hic mulœ , nonne , quia fœtus exstitit in sterilitate naturae, praedirtus est abarus- picibus incredibilis partus malorum ? Quid ? Tib. Grac- clniSjP. F., qui bis consul et censor fuit , idemqueet suro- mus augur, et vir sapiens, civisque praestans, nonne (ut C. Graccbus, filius ejus, sciiptum reliquit) duobus angui- busdomi comprebensis , aruspices convocavit ? qui quum respondissent, si marem emisisset, uxori brevi tempore esse moriendum ; si feminam , ipsi : aequius esse censuit , se maturam oppeiere mortem , quam P. Africain filiam adolescentem. Feminam emisit ; ipse paucis post diebus est mortuus. XIX. Irrideamus aruspices ; vanos, futiles esse dicamus ; quorumque disciplinam et sapientissimus vir, et eventus, ac res comprobavit, coiitemnamus ; contemnamns etiam Babylonios , et eos , qui e Caucaso cœli signa servantes, numeris et molibus stellarum cursus persequuntur ; con- demnemus , inquam, bos aut stultiliae , aut vanitalis, aut imprudentiœ, quiccccLxx millia annorum, ut ipsidicunt, monumentis comprehensa continent, et menf iri judicemus, nec saeculorum reliquorum judicium, quod de ipsis futu- îum sit, pei timescere. Age, barbari vani, atque fallaces : num etiam Graiorum bistoria menlita est ? Quae Crœso Pytbius Apollo, ut de naturali divinatione dicam, quœ Atbeniensibus, quee Lacedœmoniis, quae Tegeatis, quae Argivis, quae Corinthiis responderit , quis ignorât ? Colle- git innumerabilia oracula Cluysippus, nec ullum sine lo- cuplete auctore atque teste : quae quia nota tibi sunt, re-