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DE LA DIVINATION, LIV. I. s’il n’était pas revenu sur ses pas, s’écroula la nuit suivante. Je l’ai entendu dire qu’il avait souvent ainsi discontinué d’autres voyages entre- pris depuis plusieurs jours. Mais ce qu’il y a de plus beau dans sa conduite, c’est que, dépouillé de sa tétrarchie, de son royaume et de ses riches- ses par César, il persiste à ue pas se repentir d’a- voir suivi les auspices qui l’engagèrent à embras- ser la cause de Pompée ; fidèle à son devoir et à la foi jurée , il trouve que les oiseaux l’ont bien con- seillé, puisqu’il a défendu, les armes à la main, l’autorité du sénat , la liberté du peuple romain et la dignité de l’empire : achetée au prix de son royaume, cette gloire ne lui semble pas trop chère. Voilà vraiment un augure. Pour vos ma- gistrats , ils se servent d’auspices forcés ; car de la manière dont on présente la nourriture aux poulets, il faut de toute nécessité qu’en man- geant ils en laissent tomber quelque peu à terre. Cet auspice, que j’appelle forcé, vous l’appe- lez, vous, tripudium solistimum, nom qui n’appartient qu’à l’auspice libre tiré, selon les rè- gles, de la nourriture tombant naturellement à terre. C’est ainsi que , par la négligence du col- lège des augures, on a entièrement perdu et abandonné bon nombre d’auspices et d’augures, comme s’en plaignait déjà de son temps le sage Caton. XVI. Autrefois les États ou même les particu- liers n’entreprenaient aucune affaire importante sans consulter les augures. N’avons-nous pas en- core des augures dans chaque mariage , vain ti- tre qui conserve du moins le souvenir d"un antique usage ? Maintenant dans les grandes occasions, bien que cet usage aille ens’affaiblissant, oncon- 189 suite les entrailles des victimes, tandis qu’autre- fois on avait foi au vol des oiseaux ; aussi nous avons payé cher cette négligence coupable qui nous fait laisser de côté les mauvais présages. Claudius, par exemple, fils d’Appius l’Aveugle et LuciusJunius, son collègue, perdirent de puissan- tes flottes pour avoir pris le large ma ! à propos. Telle fut la faute d’Agarnemnon qui , entendant les Grecs « murmurer entre eux et mépriser ouver- tement l’art d’augurer d’après les entrailles, donna malgré les oiseaux l’ordre, applaudi par tous , de lever l’ancre. « Sans remonter si loin, nous savons ce qui arriva à M. Crassus pour avoir négligé des imprécations. Je remarquerai à ce sujet que votre collègue Appius , que vous re- gardez comme un bon augure, nota légèrement, à mon avis, durant sa ceusure , un homme de bien et un excellent citoyen, C. Atéius, comme cou- pable d’avoir simulé les auspices. Si sa conviction étaitcomplète, ses pouvoirs decenseur l’y autori- saient sans doute ; mais il n’agit nullement en au- gure en attribuant à ces imprécations les calami- tés qui venaient de frapper le peuple romain. Si telle en avait été la cause, la faute n’eût pas été à celui qui les avait prpnoncées, mais à celui qui les avait dédaignées. Mais , comme le dit le même Appius, augure et censeur à la fois, l’évé- nement prouva qu’elles étaient vraies ; fausses, elles n’auraient eu aucun effet funeste. Car les imprécations, de même que les autres aus- pices, les présages et les signes, ne sont pas cause qu’une chose arrive ; elles annoncent seu- lement qu’elle arrivera si l’on n’y pourvoit. Ce n’est donc point aux imprécations d’Atéius qu’il faut attribuer cette calamité ; elles ne furent quodam proposito et constituto revertisset , aquilae admo- nitus volatu ; conclave illud , ubi erat mausurus , si ire per- rexisset , proxima noetc corruit. Itaque , ut ex ipso audie- bam , persrepe revertit ex itinere , quum jam progressas esset niultorum dierum viam. Cujus quidem lioc praecla- rissimum est, quod , posteaquam a Ctesare letrarchia, re- gno, pecuniaque multatus est, negat se tamen eorum au- spiciorum, quae sibi ad Pompeium proficiscenti secunda eve- nerint , pœuitere : senatus enim auctoritatem , et populi romani libertatem , atque iinperii dignitatem suis armis esse defensam -, sibique eas aves , quibus auctoribus oflîcium et (idem secutus esset , bene consuluisse : antiquiorem enim sibi fuisse possessionibus suis gloriam. 111e niilri videtur igitur vere augurari. Nam nostri quidem magistratus au- spiciis utuntur coactis : necesse enim est , offa objecta , ca- dere frustum ex pulli ore, quum pascitur. Quod autem scriptum babetis, aut tripudium fieri , si exea quid in so- lum ceciderit : hoc quoque, quod dixi , coactum, tripu- dium solistimum dicilis. Itaque multa auguria, multa au- spicia,quod Catoille sapiens queritur, negligenlia collegii amissa plane et déserta sunt. XVI. Nihil fere quondam majoris rei, nisi auspicato, ne privatim quidem, gerebatur : quod etiam nunenuptia- rum auspices déclarant , qui , re omissa , nomen tantum tenent. Nain ul nunc extis (quanquam idipsum aliquando minus, quam olim) ,sictum avibus magnœ res impelriri solebant. Itaque, sinistradum non exquirimus, in dira et in vitiosa incurrimus. Ut P. Claudius, Appii Cœcifilius, ejusque collega, L. Junius, classes maximasperdiderunt, quum vitio navigassent. Quod eodem modo evenit Aga- memnoni ; qui , quum Achivi cœpissent Inter se strepere,aperteque arlem obterere extispicum, Solvere imperat secundo rumore,adversaqueavi. Sed quid vetera ? M. Crasso quid accident, videmus , dira- rum obnuntiatione neglecta. In quo Appius , collega tuus, bonus augur, ut ex te audire soleo , non satis scienter vi- rum bonum,etcivemegregium censor C. Ateium nota vit, quod ementitum auspicia subscripserit. Esto : fuerit hoc censoris, si judicabat ementitum. At illud minime augu- ris, quod adscripsit, ob eam causam populum romanum calamitatem maximam cepisse. Si enim ea causa calami- tatis fuit, non in eo est culpa, qui obnuntiavit, sedineo, qui non paruit. Veram enim fuisse obnuntiationem, ut ait idem augur et censor, exilus approbavit ; quae si falsa fuisset, nullam afferre potuisset causam calamitatis. Ete- nim dira ?, sicut cetera auspicia, utomina, ut signa, non causas afferunt , cur quid eveniat , sed nun liant venlura , nisi provideris. Non igitur obnuntiatio Ateii causam tin- xit calamitatis , sed signo objecto monuit Crassum, quid eventurum esset , nisi cavisset. Ita aut illa obnuntiatio