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DE LA DIVINATION, LIV. I.

et que vous ne trouviez rien de mieux à faire. – Quintus, repartis-je, je suis toujours prêt à philosopher ; et en ce moment où nulle autre occupation ne pourrait m’être agréable, je désire plus vivement encore connaître ce que vous pensez de la divination. Rien, dit-il, de nouveau, rien qui me soit particulier ; je suis l’opinion la plus ancienne, fort de l’assentiment de tous les peuples, de toutes les races. Il existe deux genres de divination, l’un artificiel, l’autre naturel. En effet, quel peuple, quelle cité qui n’admette, soit les divinations artificielles, comme celles qui résultent de l’inspection des entrailles des victimes, de l’interprétation des prodiges, des foudres, des augures, de l’astrologie, soit la divination naturelle qui comprend les songes et les vaticinations ? À mon avis, il faut ici noter les faits sans en rechercher les causes ; car on ne peut douter qu’il n’existe en nous une certaine vertu naturelle qui, secondée par l’étude d’une longue suite d’observations, ou aidée par une sorte d’instinct et d’inspiration divine, nous annonce l’avenir.

VII. Que Carnéade, et après lui Panétius, cessent donc de rechercher avec tant de soin si Jupiter ordonna à la corneille de croasser à gauche et au corbeau à droite, observations recueillies depuis un temps infini, et notées comme significatives pour l’avenir. Car il n’est rien qu’on ne puisse parvenir à connaître avec le temps et par une longue série de remarques fidèlement transmises. Nous admirons de combien d’herbes et de racines les médecins ont découvert l’efficacité, tant pour les morsures dangereuses que pour les maux d’yeux et les blessures ; la raison n’a jamais expliqué la puissance et la nature de ces remèdes, mais leur utilité en justifie l’usage et donne raison à leur inventeur. Bien plus, que direz-vous de certains pronostics qui, différents de la divination, lui ressemblent cependant beaucoup ? « Nous prévoyons une tempête prochaine, lorsque la mer profonde semble tout à coup soulevée par les vents, lorsque les écueils blanchis d’une écume salée répondent aux cent voix de l’Océan par de tristes mugissements, ou lorsqu’une brise stridente, partie des sommets des monts, mugit et redouble, renvoyée par la ligne insurmontable des écueils. »

VIII. Tous vos pronostics sont remplis de pressentiments de même nature : et qui peut expliquer la cause première de ces pressentiments ? Je sais bien que le Stoïcien Boëthus l’a essayé, et qu’il a trouvé parfois la raison des phénomènes de la mer et du ciel. Mais qui nous expliquera d’une manière probable les pronostics suivants ? « Quand la blanche mouette annonce les horreurs d’une tempête imminente, elle s’élève au-dessus de l’abîme, et jette des cris aigus et entrecoupés. Alors souvent aussi la chouette vigilante module un chant lugubre et plaintif, qu’elle prolonge et redouble quand l’aurore dissipe la fraîche rosée. Quelquefois aussi la noire corneille courant sur les grèves plonge sa tête dans les flots. »

IX. Nous savons que ces signes sont presque infaillibles ; pourquoi ? nous l’ignorons. « Et vous aussi, habitants de l’onde paisible, vous présagez le temps, lorsque, toujours prêts à pousser de vaines clameurs, vous remplissez les marais et les fontaines de monotones coassements. » Qui