Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. II.

après cela se retirent : de sorte que leurs petits naissent et s’élèvent d’eux-mêmes sans aide. Mais les poules et les autres oiseaux, quand ils veulent pondre, cherchent un lieu tranquille, où ils préparent le nid le plus mollet qu’ils peuvent, afin de conserver leurs œufs plus commodément. Leurs petits sont-ils éclos ? ils les défendent du froid, en les échauffant sous leurs ailes ; et du chaud, en se mettant devant le soleil. Quand ces petits commencent un peu à voler, leurs mères alors les accompagnent, les dirigent ; et c’est à quoi elles bornent leurs soins. L’industrie des hommes est aussi un des moyens qui font subsister certaines bêtes et certaines plantes ; car il y en a beaucoup, et des unes et des autres, qui périraient sans ce secours. Les hommes, pour ce qu’il leur faut à eux, trouvent diverses facilités, suivant les divers pays. Le Nil arrose l’Égypte, et après l’avoir couverte et inondée pendant tout l’été, il se retire, laissant les champs amollis, et comme engraissés pour les semailles. L’Euphrate fertilise la Mésopotamie, où chaque année il transporte de nouvelles terres. L’Indus, qui de tous les fleuves est le plus grand, non-seulement amende et laboure en quelque façon les campagnes, mais les ensemence aussi ; car il charrie, dit-on, quantité de grains. Je pourrais citer plusieurs autres contrées, remarquables par quelque chose de singulier ; plusieurs campagnes qui sont, chacune en son genre, d’une prodigieuse fertilité.

LIII. Mais quelle plus grande bonté de la nature, que de nous fournir tant d’aliments, si variés, si délicieux ; et de nous les fournir en différentes saisons, afin qu’ils nous plaisent toujours, et par la nouveauté, et par l’abondance ! Quelle grâce ne fait-elle pas d’envoyer les Étésies ? vents qui viennent si à propos, et qui accommodent si fort les hommes, les bêtes, les plantes même : vents qui abattent les grandes chaleurs, et qui rendent la navigation plus sûre et plus prompte. Dans une matière si abondante, j’ai bien des choses à supprimer. Car le moyen que j’entre dans quelque détail touchant l’utilité des rivières, le flux et le reflux de la mer, les montagnes revêtues d’herbes et de forêts, les salines éloignées des côtes maritimes, les terres fécondes en remèdes excellents, une infinité d’arts nécessaires à la vie ? N’oublions point la vicissitude du jour et de la nuit ; elle fait la santé des animaux, en leur donnant un temps pour agir, et un temps pour se reposer. Ainsi, de quelque côté que l’on examine l’univers, concluons que tout y est admirablement gouverné par une providence divine, qui veille au salut et à la conservation de tous les êtres. Si l’on demande pour qui le monde a été fait, dirons-nous que ce soit pour les arbres et pour les herbes, qui, sans avoir de sentiment, ne laissent pas d’être au nombre des choses que la nature fait subsister ? Cela paraît absurde. Pour les bêtes ? Il n’est pas plus probable que les Dieux aient pris tant de peine pour des brutes muettes, et sans entendement. Pour qui donc ? Sans doute pour les animaux raisonnables : c’est-à-dire, pour les Dieux et pour les hommes, qui certainement sont les plus parfaits de tous les êtres, puisque rien n’égale la raison. Il est donc à croire que le