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CICÉRON.

rent une conséquence qui, dit-on, paraissait douteuse à Panétius : Qu’enfin il devait arriver que le monde entier ne fût plus que feu. Que toute l’eau étant consumée, ni la terre par conséquent n’aurait plus d’aliment, ni l’air n’aurait plus de quoi se former, puisque l’eau, dont il se forme, serait alors tout épuisée. Qu’ainsi le feu resterait seul : et que par ce feu, qui est animé, qui est Dieu, le monde serait rétabli, et renaîtrait avec la même beauté, je ne veux point m’étendre trop sur ce qui regarde les astres, et particulièrement les planètes, dont les mouvements, quoique très-dissemblables, font un accord très-juste. Saturne, la plus élevée de toutes, refroidit : Mars, qui se trouve placé au milieu, est brûlant : Jupiter les partage, et modère leurs excès. Deux autres, qui sont au-dessous de Mars, obéissent au soleil ; le soleil éclaire tout l’univers ; la lune, qui emprunte de lui sa clarté, influe sur les générations, les facilite, en détermine le temps. Pas une de ces réflexions n’a été faite, j’en suis certain, par des gens qui ne sont point frappés d’une telle combinaison, d’un tel assemblage, et qui ne sentent pas que la nature se propose, dans ces arrangements, la conservation de l’univers.

XLVII. Passons des choses célestes aux terrestres. Y a-t-il rien dans celles-ci qui ne prouve l’intelligence de la nature ? Jugeons-en d’abord par les plantes. Elles ont des racines pour soutenir leurs tiges, et pour tirer de la terre un suc nourricier. Elles sont revêtues de peau, ou d’écorce, pour se préserver du chaud et du froid. La vigne se prend aux échalas avec ses tendrons, comme avec des mains, et se dresse comme feraient des animaux. On dit même qu’elle a horreur des choux, comme de quelque chose de pestilent ; et que s’il y en a de plantés à ses côtés, elle ne les touche par nul endroit. Mais quelle variété d’animaux, tous bien pourvus de ce qui leur est nécessaire pour se conserver ! Les uns revêtus de peau, d’autres couverts de poil, d’autres hérissés de pointes, d’autres chargés de plumes, d’autres entourés d’écaillés, d’autres armés de cornes, d’autres qui ont des ailes pour s’enfuir. La nature leur a libéralement et abondamment procuré les aliments qui leur étaient propres. Je pourrais expliquer avec quel art et avec quelle dextérité les parties de leurs corps sont formées et arrangées, d’une manière qui leur donne la facilité de prendre ces aliments, et de les digérer. Car tout ce qui est dans l’intérieur de leurs corps est tellement construit, tellement placé, qu’il n’y a rien de superflu, rien qui ne soit nécessaire pour leur conserver la vie. D’ailleurs, la nature leur a donné l’appétit et le sentiment, afin que par l’un ils soient excités à prendre la nourriture qui leur convient, et que par l’autre ils discernent ce qui leur est mauvais de ce qui leur est bon. Ils vont à la pâture, les uns en marchant, d’autres en rampant, d’autres en volant, d’autres en nageant. Les uns la prennent avec la gueule et avec les dents, d’autres la saisissent avec leurs serres et avec leurs griffes, d’autres avec leur bec. Les uns la sucent, d’autres la