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DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. II.

fleuve serpenter, et se répandre au loin ; « et il y a, pour arrêter ces poissons, de grands liens, qui les prennent à la queue. Proche celle du Scorpion, est l’Autel, contre lequel souffle le vent du midi. » Aux environs, se trouve le Centaure, « qui se hâte de cacher sous les bras du Scorpion ce qu’il a de cheval ; et qui, d’un air farouche, tenant à la main droite un gros animal, égorge cette victime à l’autel. Plus bas, on voit l’Hydre s’avancer, » et occuper beaucoup d’espace, « portant sur le milieu de son corps une coupe, et au bout de sa queue un corbeau, qui s’efforce de la becqueter. Le petit Chien est sous les Gémeaux. » Quel homme sensé peut croire que des atomes, en voltigeant au gré du hasard, aient formé cet arrangement des astres, et un ciel de cette beauté ? Ou que des choses qui ne pouvaient être faites sans esprit, disons plus, qui ne peuvent être comprises qu’avec beaucoup d’esprit, soient l’ouvrage d’une nature, stupide et aveugle ?

XLV. Mais notre admiration ne doit pas se borner aux objets que j’ai dépeints jusqu’ici. Ce qu’il y a de plus merveilleux, c’est que le monde soit d’une stabilité à l’épreuve des temps, causée par l’union, la plus intime que l’on puisse imaginer, de toutes ses parties. Toutes, de quelque endroit que ce soit, tendent également au centre. Une espèce de lien, qui entoure les éléments, les fait demeurer étroitement unis les uns avec les autres. Ce lien, c’est la nature, qui, répandue dans tout l’univers, où son intelligence et sa raison opèrent tout, attire les extrémités au milieu. Si donc le monde est rond, et que par conséquent sa circonférence étant la même de tous côtés, toutes ses parties se tiennent mutuellement d’elles-mêmes ; il s’ensuit que les parties de la terre doivent aussi se porter toutes à son centre, le plus bas lieu du globe, sans que rien arrête une propension si grande. Par la même raison, quoique la mer soit plus élevée que la terre, cependant, parce qu’elle a la même tendance, elle se concentre de toutes parts, et jamais ne regorge. Il est vrai que l’air, qui est contigu, s’élève à cause de sa légèreté ; mais il ne laisse pas de se répandre partout ; et si la nature le fait monter au ciel, c’est afin qu’il y soit tempéré par une chaleur pure, qui le rend propre à vivifier les animaux. Pour ce qu’on appelle l’éther, qui est la suprême région du ciel, il touche l’extrémité de l’air, mais conserve toujours la pureté de son ardeur, sans qu’il s’y mêle rien de grossier.

XLVI. Dans l’éther se meuvent les astres, dont les parties se concentrent pareillement, et qui perpétuent leur durée par leur forme même, et par leur figure. Car ils sont ronds ; espèce de forme à laquelle il me semble avoir déjà observé que rien ne saurait nuire. Et comme ils sont de feu, ils se nourrissent des vapeurs que le soleil attire de la terre, de la mer, et des autres eaux. Mais ces vapeurs, quand elles ont nourri et restauré les astres et tout l’éther, sont renvoyées ici-bas, pour être tout de nouveau attirées d’autres fois. Tellement qu’il ne s’en perd rien, ou qu’il y en a fort peu de consumé par le feu des astres et par la flamme de l’éther. De là nos Stoïciens ti-