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CICÉRON.

rons-nous que le monde soit dirigé, je ne dis pas simplement par une intelligence, mais par une excellente, par une divine intelligence, quand nous voyons le ciel se mouvoir avec une prodigieuse vitesse, et faire succéder annuellement l’une à l’autre les diverses saisons, qui vivifient, qui conservent tout ? Car enfin, il n’est plus besoin ici de preuves recherchées : il n’y a qu’à examiner des yeux la beauté des choses dont nous rapportons l’établissement à une providence divine.

XXXIX. Regardons premièrement la terre, placée au milieu du monde, solide, ronde, se concentrant de toutes parts, revêtue de fleurs, d’herbes, d’arbres, de grains ; le tout dans une incroyable quantité, diversifié selon toute sorte de goûts. Considérons les fontaines toujours coulantes et fraîches, les eaux transparentes des rivières, la verdure de leurs bords, la profondeur des cavernes, l’âpreté des rochers, la hauteur des monts escarpés, l’immense étendue des plaines. Dans les entrailles de la terre se trouvent des veines d’or et d’argent, du marbre sans fin. Pour les animaux, privés ou sauvages, de combien d’espèces y en a-t-il ? Quel est le vol, le chant des oiseaux ? Comment vivent les bêtes, et dans les champs, et dans les forêts ? Que dirai-je des hommes, qui, comme chargés de cultiver la terre, ne souffrent pas que sa fertilité soit étouffée par les épines, ni que la férocité des bêtes en fasse un désert ; et qui, par les maisons et les villes qu’ils ont soin de bâtir, embellissent les campagnes, les îles, les rivages ? Si l’on pouvait réunir tous ces objets sous un coup d’œil, comme on le peut mentalement, personne, à ce spectacle, ne douterait s’il y a une intelligence divine. Mais que la mer est belle ! qu’il y a de plaisir à en voir l’étendue ! Quelle multitude, quelle variété d’îles ! Que ses bords ont de charmes ! Combien elle renferme d’animaux ! et que leurs espèces sont différentes ! Les uns enfoncés dans son sein, d’autres qui nagent sur les îlots, d’autres qui tiennent par leurs écailles contre les rochers. Au reste, elle baigne tellement la terre le long des rivages, que ces deux éléments paraissent n’en faire qu’un. Plus haut que la mer immédiatement, c’est l’air, tantôt éclairé du jour, tantôt obscurci de la nuit. Raréfié, il gagne la haute région : condensé, il devient nuage : et avec l’eau qu’il recueille, il fertilise la terre par des pluies. C’est son agitation qui produit les vents. Il cause, suivant les diverses saisons, le chaud et le froid. Il soutient les oiseaux quand ils volent. Attiré par la respiration, il nourrit et conserve les animaux.

XL. Reste le ciel, ou l’éther, qui environne, qui renferme tout. C’est la région la plus éloignée de notre séjour ; l’extrémité, la borne de l’univers ; la carrière que les astres fournissent dans un ordre si merveilleux. Parmi ces astres, le soleil, dont la grandeur passe de beaucoup celle de la terre, roule autour de la terre même. Son lever et son coucher font le jour et la nuit. Deux fois par an, il va d’un tropique à l’autre. Pendant qu’il se tient éloigné, la terre paraît comme serrée de tristesse : son retour semble lui ramener une joie qu’elle partage avec le ciel. La lune, qui, comme les mathématiciens le démontrent, est plus grande que la moitié de la terre, roule dans le zodiaque, aussi bien que le soleil. Toute