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CICÉRON.

gouverné par elle. Mais d’abord il est à propos d’expliquer avec précision ce que c’est que la nature, afin que l’on entre plus aisément dans notre pensée. Quelques-uns prétendent que la nature est une certaine force aveugle, qui excite dans les corps des mouvements nécessaires. D’autres, que c’est une force intelligente qui a de l’ordre, qui observe une méthode, qui se propose une fin en tout ce qu’elle t’ait, qui tend à cette fin, et dont les ouvrages marquent une adresse que l’art le plus ingénieux, que la main la plus habile ne saurait imiter. Car, disent-ils, la vertu de la semence est telle, que maigre la petitesse de son volume, si elle tombe dans le lieu destiné à la recevoir, et qu’elle y rencontre une matière qui lui serve d’aliment et lui donne les moyens de croître, elle forme, elle produit chaque chose en son espèce, ou des plantes, qui ne font que végéter ; ou des animaux qui ont de plus que, les plantes le mouvement, le sentiment, l’appétit, et la faculté de produire d’eux-mêmes leurs semblables. Tout s’appelle nature, selon quelques autres. C’est le langage d’Épicure, qui ne reconnaît, pour cause de tout ce qui existe, que les atomes, le vide, et leurs accidents. Mais nous, quand nous disons que la nature forme le momie et le gouverne, nous n’entendons pas que ce soit comme une motte de terre, comme un morceau de pierre, ou quelque corps semblable, dont les parties n’ont point de liaison nécessaire les unes avec les autres : nous l’entendons comme d’un arbre, comme d’un animal, ou rien ne paraît dispose aveuglément, mais dont les parties sont dans un ordre qui tient de l’art.

XXXIII. Que si l’art de la nature fait végéter les plantes, c’est de là, sans doute, que vient aussi la Fécondité de la terre, qui, avec les semences quelle renferme, produit de son fonds toutes sortes de tiges, et, les embrassant par leurs racines, les fait croître : tandis qu’a son tour elle, tire des autres cléments de quoi se nourrir, et qu’elle fournit par ses vapeurs à l’entretien de l’air, de l’éther, de tous les corps supérieurs. Par la même raison, si la terre doit sa vigueur à la nature, il faut que la nature agisse dans le reste du monde. Car l’air fait vivre les animaux, comme la terre fait vivre les plantes. L’air voit avec nous, entend avec nous, forme des sons avec nous, puisque sans lui nous ne pouvons rien de tout cela. Il se remue même avec nous. Que nous fassions un pas, un mouvement, il se retire, ce semble, pour nous faire place. Tout le monde, soit ce qui tombe au centre, soit ce qui s’élève du centre en haut, soit ce qui tourne autour du centre, tout cela ne fait qu’une seule nature, sans division. Et comme il y a quatre sortes de corps, leurs changements réciproques font la continuité de la nature. Car l’eau se forme de la terre, l’air de l’eau, le feu de l’air : et après, en rétrogradant, du feu se forme l’air, de l’air l’eau, et de l’eau la terre, qui est le plus bas de ces quatre éléments dont tous les êtres sont composés. Ainsi, comme sans cesse ils se meuvent et se rejoignent, en haut, en bas, à droite, à gauche ; parla toutes les parties de l’univers demeurent liées. Union qui, avec toute la beauté que nous lui voyons, doit subsister, ou à jamais, ou du moins un temps fort long, et presque infini. Que ce soit lequel il vous plaira, toujours s’ensuit-il que le monde est gouverné par la nature. On trouve, en effet, qu’il y a de