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DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. II.

XXVI. Junon, suivant les Stoïciens, est le nom qui a été donné à l’air répandu entre la mer et le ciel. On a féminisé l’air, parce qu’il n’y a rien de plus mou ; et Junon est appelée sœur et femme de Jupiter, parce que l’air ressemble à l’éther, et le touche de près. Pour faire trois royaumes séparés, les poètes avaient encore la terre et l’eau. Ils destinèrent l’empire des mers à un prétendu frère de Jupiter, qu’ils appellent Neptune, du mot nager, en changeant un peu les premières lettres. À l’égard de la terre, elle fut le partage d’un Dieu, à qui nous donnons, aussi bien que les Grecs, un nom qui marque ses richesses, parce que tout vient de la terre, et y retourne. Il a enlevé Proserpine, disent les poètes ; et comme par là ils entendent la semence des blés, de là vient leur fiction, que Cérès, mère de Proserpine, cherche sa fille qu’on lui a cachée.

XXVII. Je ne rapporte point ici les étymologies de Cérès, de Mars, de Minerve, de Janus, de Vesta, des Pénates, de Vénus. On croit qu’Apollon, c’est le soleil ; et Diane, la lune. Que le soleil est ainsi nommé, ou parce qu’il est seul de sa grandeur entre tous les astres ; ou parce qu’il obscurcit tous les autres, et paraît seul, du moment qu’il est levé. Et comme ici les femmes en travail invoquent Junon sous le nom de Lutine, de même en Grèce elles invoquent Diane sous un nom semblable. La persuasion où l’on est que Diane procure des couches heureuses est fondée sur ce que les enfants viennent au bout de sept mois lunaires, ou, plus ordinairement au bout de neuf. C’est ce qui a donné lieu à une jolie pensée de Timée. Après avoir raconté, dans son histoire, que la nuit qu’Alexandre vint au monde, le temple de Diane brûla à Éphèse, il ajoute « qu’en cela il n’y avait rien d’étonnant, parce que Diane, qui voulut se trouver aux couches d’Olympias, était absente de chez elle, dit-il, pendant l’incendie de son temple. »

XXVIII. Remarquez-vous à présent l’origine des faux Dieux, et comment on les a feints en conséquence des choses naturelles, qui ont été utilement et sagement découvertes ? Voilà ce qui a fait naître de fausses opinions, des erreurs pernicieuses, des superstitions pitoyables. On sait les différentes figures de ces Dieux, leur âge, leurs habillements, leurs ornements, leurs généalogies, leurs mariages, leurs alliances. En tout on raisonne par rapport à eux, comme s’ils étaient au niveau des faibles mortels. On les dépeint avec de semblables passions, amoureux, chagrins, colères. On leur attribue même des guerres et des combats, non-seulement lorsque partagés entre deux armées ennemies, comme l’a conté Homère, les uns étaient pour celle-ci, les autres pour celle-là : mais encore quand ils ont pris les