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TUSCULANES, LIV. III.

dai à l’un d’eux qu’il proposât le sujet de la dis- J la sagesse sont nécessairement atteints de ces pute : et la voici d’un bout à l’autre. ! maladies. Être malade, c’est n’avoir plus la santé ;

IV. L’auditeur. Il me semble que l’âme du or tous ceux qui n’ont pas la sagesse, sont ma sage est susceptible de chagrin. Cicéron. Vous j lades ; donc ceux qui n’ont pas la sagesse sont semble-t-elle aussi susceptible des autres pas- ’ fous d’après l’étymologie du mot [insaniunt). sions, de la crainte, des désirs immodérés, de ; Nos pères pensaient que la santé de l’esprit coula colère ? C’est là eu effet ce que les Grecs nom- j siste dans une certaine tranquillité, et égalité, ment πάθη (pathê), expression que je pourrai traduire ! dont le défaut est infirmité et folie (insdnia). littéralement par maladies ; mais parler ainsi, ce serait s’écarter de l’usage. Car les Grecs appellent la pitié, l’envie, l’ivresse de la joie, des maladies, et les définissent des mouvements de l’âme, en opposition avec la raison ; nous appelons nous ces mêmes mouvements d’une âme agitée, des passions {perturbationes), et je crois l’expression juste ; les nommer des maladies, ce serait faire violence à l’usage ; que vous en semble ? L’a. Je suis entièrement de votre avis. C. Vous dites donc que vous croyez l’âme comme ils l’appelaient , car au milieu des perturbations de l’esprit, comme parmi celles du corps, il n’est plus de santé.

V. J’admire aussi le nom de déraison , démence, qu’ils ont donné aux affections de l’âme où ne se rencontre plus la lumière de la raison. L’étymologie prouve manifestement que nos pères en formant ces mots, étaient convaincus, comme le furent depuis Socrate , et les Stoïciens qui reçurent de lui et retinrent fidèlement ce dogme, que tous ceux qui n’ont pas la sagesse du sage susceptible de passions ? L’a. C’est là j ont l’esprit malade. L’esprit atteint de quelque mon avis. C. Alors cette sagesse dont on fait j maladie (ces maladies de l’esprit, selon les philotant de bruit ne mérite pas en vérité grande es- ; sophes, sont, comme je viens de le dire, les pastime, car elle ne diffère pas beaucoup de la folie. L’a. Quoi ! il n’est point de trouble de l’âme que vous ne regardiez comme insensé ? C. Non pas moi seulement, mais, ce que je ne puis me lasser d’admirer, nos ancêtres en ont jugé ainsi bien des siècles avant Socrate , le père de toute cette philosophie régulatrice des mœurs et de la vie. L’a. Comment cela ? C. Parce que le nom d’insensé signifie une maladie et une infirmité de l’esprit ; évidemment c’est à un esprit malade et qui n’est pas sain, que nos pères ont donné le nom d’insensé ( insamis ). Les philosophes appellent maladies toutes les passions, et ils enseignent que ceux qui n’ont pas sions en mouvements violents) n’est pas plus en santé que le corps affecté de quelque indisposition grave. D’où il résulte que la sagesse est la santé de l’âme ; ôtez la sagesse, plus de santé ; et il faut avouer que la langue latine exprime beaucoup mieux toutes ces idées que la langue grecque ; avantage que nous retrouverons en bien d’autres endroits. Mais ce n’est pas le lieu d’insister ; revenons à notre sujet. Tout ce que nous cherchons en ce moment sur la nature et la force des passions, les mots eux-mêmes nous l’apprennent. Puisqu’il faut regarder comme sains ceux dont l’esprit n’est troublé d’aucune de ces passions qui sont les maladies de l’âme , il faut par

enim in Academiam nostram descendimus, inclinato jam in postmeridianum tempus die, poposci eorum aliquem, qui aderant, causam disserendi. Tum res acta sic est.

IV. A. Videtur mihi cadere in sapientem segritudo. 31. Num reliquae quoqne perturbationes animi , formidines, libidines, iracundiœ ? Hœc enim fere surit ejusmodi : quœ Grœci itd0r) appellant, ego poleram morbos, et id verbum esset e veibo , sed in consuetudinem nostram non caderet. Nain miserai, invidere, gestire, l<etari, haecomnia morbos Gra ?ci appellant , motus animi rationi non obtempérantes : nos aulem bos eosdem motus concitati animi , recte, ut opinor, perturbationes dixerimus, morbos autem non satis usitale : nisi quid aliud libi videtur. A. Mihi vero isto modo. M. Hœccine igitur cadere in sapientem putas ? A. Prorsus existimo. M. Nœ ista gloriosa sapientia non magno œstimanda est, si quidem non multum differt ab insania. A. Quid ? tibi omnisne animi eommotio videtur insania ? M. Non mihi quidem soli : sed id, quod admirari sœpe soleo, majoribus quoque noslris hoc ita visuin intelligo multis seculis ante Socratem : a quo hœc omnis, quœ est de vita et de moribus, philosophia manavit. A. Quonam tandem modo ? M. Quia nomen insaniae signifîcat mentis œgrotationem , etmorbum, id est, insanitatem, et œgritudinem animi, quam appeharunt insaniam. Omnes autem perturbationes animi, morbos philosophi appellant : negantque stultum quemquam his morbis vacare. Qui autem inmorbosunt,saninonsunt : et omnium insipientium animi in morbo sunt : omnes insipientes igitur insaniunt. Sanitatem enim animorum , positam in tranquillilate quadam , constantiaque censehant : his rébus menlem vacuam appellarunt insaniam, propterea quod in pei turbato animo , sicut in coipore , sanilas esse non possit.

V. Nec minus illud acute, quod animi affectionem, lumine mentis carentem, nominavei uni amcntiam, eamdemque dementiam. Ex quo intelligendum est, eos, qui haec rébus nomina posuerunt, sensisse hoc idem, quod a Socrate acceptum diligenter Sloici retinuerunt, omnes insipientes esse non sanos. Qui enim animus est in aliquo morbo (morbos autem hos perturbatos motus, ut modo dixi, philosophi appellant) non magis est sanus, quam id corpus, quod in morbo est. Ita fit, ut sapientia sanitas sit animi , insipientia autem quasi insanilas qu.rdam , quœ est insania , eademque dementia : multoque melius hœc notala sunt verbis Latinis , quam Grœcis : quod aliis quoque multis locis repeiïetnr. Sed id alias : nunc, quod inslat. Totum igitur id, qr.od quœrinius, quid et quale sit, verbi vis ipsa déclarât. Eos enim sanos infelligi necesscest, quorum mens molu, quasi morbo, pcrtuibata nullo sit, qui cou-