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CICÉRON.

ce sujet, à moins que la nature elle-même ne l’eût instruit. « S’il y a, dit-il, des choses dans l’univers que l’esprit de l’homme, que sa raison, que sa force, que sa puissance ne soit pas capable de faire, l’être qui les produit est certainement meilleur que l’homme. Or l’homme ne saurait taire le ciel, ni rien de ce qui est invariablement réglé. Donc l’être qui l’a fait est meilleur que l’homme. Pourquoi donc ne pas dire que c’est un Dieu ? Car s’il n’y a point de Dieux, qu’y aurait-il de meilleur que l’homme, puisque dans lui seul est la raison, qui est ce qu’il peut y avoir de plus excellent ? Or ce serait à l’homme une arrogance insensée, que de se croire ce qu’il y a de meilleur dans tout l’univers. Reconnaissons donc un être meilleur que l’homme, et par conséquent un Dieu. » Quand vous jetez les yeux sur une grande et superbe maison, personne, quoique vous n’en découvriez point le maître, ne vous persuadera qu’elle ait été faite pour louer tics rats et des belettes. Quelle folie ne serait-ce donc pas de se figurer qu’un monde si orné, que des cieux si magnifiques, qu’une immense étendue de mers et de terres, que tant de beautés soient pour loger, non des Dieux, mais l’homme seul ? Une autre réflexion, c’est que les régions du monde les plus élevées sont aussi les meilleures : que la terre étant la plus basse de toutes, l’air le plus grossier s’y répand : et que comme il y a des villes et des pays ou naturellement les esprits sont moins subtils, parce qu’on y respire un air plus épais, de même tous les hommes en général se ressentent de la pesanteur qui est dans l’air dont nous sommes environnés. Or l’esprit humain, tel qu’il est, doit nous faire remonter à quelque autre intelligence supérieure, et qui soit divine. Car d’où viendrait à l’homme, dit Socrate dans Xénophon, l’entendement dont il est doué ? On voit que c’est à un peu de terre, d’eau, de feu et d’air, que nous devons les parties solides de notre corps, la chaleur et l’humidité qui y sont répandues, le souffle même qui nous anime.

VII. Mais ce qui est bien au-dessus de tout cela, j’entends la raison, et, pour le dire en plusieurs termes, l’esprit, le jugement, la pensée, la prudence, où l’avons-nous trouvé ? où l’avons-nous pris ? Toutes les perfections seront-elles réunies dans le monde, hors la principale ? Car enfin le monde est non-seulement ce qu’il y a, mais ce qu’on peut imaginer de meilleur, de plus excellent, de plus beau. Puisque nous en convenons, il s’ensuit que la raison et la sagesse étant de toutes les perfections la plus grande, le monde doit nécessairement la posséder. Eh ! qui ne serait forcé de la reconnaître à cette admirable liaison, à ce savant assemblage de tout ce qui compose l’univers ? Que tour à tour la terre se couvre toujours de fleurs et de frimas : que, malgré tant de changements qui arrivent dans la nature, le soleil toujours constant s’éloigne de nous tous les hivers, et s’en approche tous les étés : que le (lux et le reflux de la mer suivent toujours exactement le cours de la lune : que le mouvement du ciel entraîne toujours avec la même proportion celui de tous les astres, quoique situés différemment : un concert si juste peut-il subsister dans l’univers, sans qu’il y ait une âme divine qui se commu-