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ses amis. Toute la nuit se passe à décharger le bâtiment. Quant au capitaine des pirates, personne ne l’a vu ; et pourtant il importaitvd’en faire un exemple. Aujourd’hui encore tout le monde est persuadé, et vous devez vousmêmes le conjecturer, juges, que le préteur avait secrètement reçu des pirates une somme pour sauver leur capitaine.

XXVI. Cette conjecture n’est point hasardée, et ne peut être bon juge celui sur qui de telles probabilités ne font aucune impression. Le personnage vous est connu, et vous savez ce qui s’est toujours pratiqué en pareille occasion. Avec quel empressement, lorsqu’on a pris un chef de brigands ou d’ennemis, ne l’expose-t-on pas aux regards de la multitude ! Dans une ville aussi peuplée que Syracuse, je n’ai trouvé personne qui m’ait dit avoir vu ce capitaine de corsaires, quoique, suivant l’usage, il n’y ait eu personne qui ne soit accouru, qui n’ait cherché des yeux ce prisonnier, personne qui ne fût impatient de le voir. Par quelle étrange fatalité cet homme a-t-il pu rester si bien caché, qu’il n’a été possible à qui que ce soit de l’entrevoir seulement, même par hasard ? Il y avait à Syracuse une foule de marins qui cent fois avaient entendu nommer ce forban. La crainte qu’il leur avait inspirée, et la haine qu’ils lui portaient, les rendaient impatiens de repaître leurs yeux, de réjouir leur cœur du spectacle de ses tortures et de sa mort. Eh bien ! aucun d’eux n’est parvenu à le voir.

P. Servilius (55) a pris lui seul plus de chefs de pirates que tous les généraux qui l’avaient précédé. À qui jamais refusa-t-il le plaisir de voir ses prisonniers ? Au contraire, partout où il passait, il offrait aux avides regards de la multitude le spectacle agréable de ces captifs enchaînés. Aussi l’on accourait en foule, je ne dis pas seulement