Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servir à ses plaisirs. Ce n’est pas qu’il n’en vînt plusieurs prendre part publiquement à ses orgies ; mais celles qui conservaient encore quelque pudeur ne se rendaient chez lui qu’à certaines heures, pour éviter les regards et la foule. Ces repas ne se faisaient remarquer ni par ce silence qui annonce la présence de nos préteurs et de nos généraux, ni par ce ton de décence qu’on voit régner d’ordinaire à la table de nos magistrats ; c’étaient des vociférations, c’était un conflit de bruyans quolibets : quelquefois même des paroles on en venait aux coups, et l’on voyait un véritable combat. Car ce préteur exact et scrupuleux, qui n’avait jamais obéi aux lois du peuple romain, se montrait rigide observateur des lois établies, la coupe à la main, (18). Aussi arrivait-il souvent à la fin du repas que plusieurs convives étaient emportés de la salle couverts de blessures, d’autres laissés pour morts, la plupart étendus sans connaissance, et presque sans vie. À ce spectacle, on aurait cru voir, non la table du préteur, mais une autre plaine de Cannes que la débauche aurait jonchée de morts.

XII. Vers la fin de l’été, saison que les préteurs de la Sicile sont dans l’usage de consacrer à leurs tournées, parce qu’ils croient devoir choisir, pour visiter la province, le moment où les blés sont dans les aires, parce qu’alors les esclaves sont rassemblés, que l’on peut s’assurer de leur nombre, juger de leurs travaux d’après la récolte, et que d’ailleurs la saison est favorable ; dans ce temps, je le répète, où tous les autres préteurs parcourent les pays, ce général, d’une espèce toute nouvelle, allait se cantonner dans un poste qui est le plus bel endroit de Syracuse, vers la pointe de l’île, près de l’entrée du port, à l’endroit même où les flots de la haute mer commen-