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des jurisconsultes habiles (50), ce n’est point offenser les personnes, c’est attaquer les lois et la justice. Il faut donc absolument vous mettre dans l’esprit que rien dans l’état ne mérite plus d’être soigneusement conservé que le droit civil. Sans ce droit, en effet, vous n’auriez plus de moyen de distinguer votre bien du bien d’autrui, et toute règle commune et uniforme deviendrait impossible entre les citoyens. Ainsi, dans toutes les contestations judiciaires où l’on examine si un fait a eu lieu ou non, s’il est vrai ou faux, il n’est que trop ordinaire de suborner un témoin, de produire des pièces fabriquées ; quelquefois une spécieuse apparence peut donner le change à un juge intègre, et fournira un juge corrompu, et qui sciemment rend une sentence inique, le moyen de persuader qu’il s’est déterminé par les dépositions d’un témoin et par l’autorité d’une pièce. Il ne se rencontre rien de semblable dans les questions de droit : ici point de témoin suborné, point de pièces fabriquées ; cet immense crédit, qui n’a que trop d’influence dans l’état, n’est ici d’aucune ressource ; point de moyen pour lui d’effrayer, de corrompre des juges, ni de se faire en rien sentir. Un homme plus en crédit que scrupuleux peut dire à un juge : Décidez que ce fait a eu lieu, ou qu’il n’a jamais eu lieu, que même on n’y a jamais songé ; ayez foi en ce témoin, admettez cette pièce. Mais il ne peut lui dire : Prononcez la validité du testament d’un homme à qui un fils est né après sa mort (51), et celle d’une promesse faite par une femme sans l’autorisation de son tuteur (52). Dans ces sortes de questions, il n’est ni puissance ni crédit qui exerce de l’influence. Enfin, ce qui rend le droit plus vénérable et plus sacré, c’est qu’en pareille matière il n’est pas possible de corrompre un juge ; à quelque prix que ce soit. Celui