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Avec des hommes armés. Que veut dire cette expression ? Qui peut-on, si l’on veut parler notre langue, appeler proprement de ce nom ? Ceux-là sans doute qui sont munis de boucliers et d’épées. Eh quoi ! si c’est avec des pierres, des mottes de terre ou des bâtons que vous chassez un individu de son domaine, et qu’on vous ordonne de rétablir celui que vous aurez expulsé avec des gens en armes, direz-vous que l’ordonnance ne vous est pas applicable ? Oui, dites-le, je vous y engage, si les mots sont tout-puissans, si c’est d’après eux, et non d’après la raison, qu’on juge des choses. Vous triompherez sans doute, si ce n’est pas être armé que de jeter des pierres qu’on ramasse sur le lieu même ; si des mottes de gazon et de terre ne sont pas des armes ; si ce n’est pas être armé que de se munir de branches d’arbre qu’on a arrachées en passant ; enfin si, du moment que les armes ont des noms qui leur sont propres comme défensives ou offensives, ceux qui n’en avaient pas quelqu’une doivent être regardés comme étant sans armes. S’il était question d’examiner les armes, vous pourriez parler ainsi ; mais, quand il s’agit d’apprécier le droit et l’équité, gardez-vous de recourir à de si tristes et de si pitoyables subterfuges. Tenez pour certain qu’il n’est pas de juge ou de commissaire qui, pour prononcer qu’un homme était armé, l’examinera comme il ferait un soldat sous les armes : à ses yeux sera toujours considéré comme ayant été armé celui qui aura été trouvé muni d’instrumens capables de causer la mort ou des blessures.

XXII. Et, pour vous faire mieux comprendre le peu d’attention que méritent les mots, je suppose que vous ou tout autre, étant seul, armé d’un bouclier et d’une épée, vous vous fussiez précipité sur moi, et qu’ainsi vous m’eussiez chassé, oseriez-vous dire que l’ordonnance fait