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tachait plus aux mots qu’à la chose qu’ils expriment. Si Cornelius, considéré comme pupille, mais ayant atteint déjà vingt ans, était nommé dans un testament, vous seriez donc d’avis qu’il fût déchu de l’héritage. Beaucoup d’autres exemples se présentent à mon esprit, et sans doute il s’en présente bien davantage au vôtre ; mais, pour ne pas entrer dans trop de détails, et ne pas perdre plus long-temps mon sujet de vue, examinons l’ordonnance dont il s’agit (43). Vous y verrez que, si nous fondons le droit sur les mots, nous perdrons, pour vouloir être fins et subtils, tous les avantages qu’elle nous attribue. Si vous, ou vos esclaves (44), ou votre agent fondé, avez chassé…. Si j’avais été chassé par votre fermier seulement, je n’aurais assurément pas été chassé par tous vos esclaves réunis, mais par un seul d’entre eux : seriez-vous donc fondé à dire que l’ordonnance ne vous est pas applicable ? Oui, sans doute. En effet, qu’y a-t-il de plus facile que de démontrer à ceux qui savent notre langue que, par un seul esclave, on n’entend pas plusieurs ? Mais si vous n’aviez d’autre esclave que celui par qui j’aurais été chassé, vous vous écrieriez certainement : « Si j’ai des esclaves, je conviens que mes esclaves vous ont chassé. » Or, il est incontestable, à juger l’affaire seulement d’après le mot, et non d’après la chose, qu’il faut entendre, par plusieurs esclaves, tous les esclaves réunis, et qu’un seul ne forme pas toute la maison. Non-seulement le mot appelle cette interprétation, mais elle est obligée. Au reste, le fond de la question, l’esprit de l’ordonnance provisionnelle, la volonté des préteurs et l’opinion des jurisconsultes éclairés n’admettent point cette défense, et la rejettent avec mépris.

XX. Quoi donc ! nos juges ne savent-ils point parler