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un lieu plus bas ? On peut être chassé, repoussé, enfin mis en fuite ; mais ce qui est absolument impossible, c’est de se dire précipité, quand non-seulement on n’a pas été touché, mais qu’on n’a pas même été chassé d’un terrain uni et de plein pied. Quoi donc ! Croyons-nous que l’ordonnance n’a été faite que pour ceux, qui se plaindraient d’avoir été précipités de lieux élevés ? car ils sont les seuls qui puissent se dire proprement jetés dehors.

XVIII. Eh quoi ! lorsque le vœu, l’esprit et l’objet de l’ordonnance prétorienne sont bien compris, n’y a-t-il pas une imprudence extrême, une folie singulière, à vouloir nous jeter dans la confusion des termes, en abandonnant le vrai sens des mots, en trahissant même la cause et l’utilité communes ? Est-il douteux que, dans notre langue, toute pauvre qu’on la dit, il n’y ait pas, comme dans toute autre langue, assez de mots pour que chaque chose ait pour l’exprimer un mot propre et déterminé ? Le besoin de mots se fait-il sentir, quand la chose qu’ils expriment est parfaitement comprise ? Où est la loi, le sénatus-consulte, l’ordonnance d’un magistrat, le traité, l’alliance, et, pour rentrer dans les affaires privées, le testament, l’engagement, la stipulation, le contrat, la décision de parens, qui ne soient susceptibles d’infirmation, d’annulation, si, nous assujétissant aux mots, nous perdons de vue la volonté, le dessein, l’intention des auteurs de tous ces actes ? Certes, le langage familier même des conversations de chaque jour perdra de sa clarté, si nous voulons chicaner sur les mots. Que deviendra enfin l’autorité d’un chef de maison, si ses esclaves, pour lui obéir, consultent, non la signification usuelle des mots, mais leur signification rigoureuse ? Faut-il vous citer des exemples, pour me faire mieux entendre ? Est-il un seul d’entre