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et sans qu’elles eussent eu ni morts ni même de blessés.

XV. En effet, juges, n’est-il de violence que celle qui atteint notre corps et menace nos jours (33) ? J’en connais une bien plus grande encore ; c’est celle qui, bouleversant notre ame par la terreur et parle danger de la mort, nous force d’abandonner une place qui bien réellement nous appartient. Aussi voit-on souvent des hommes blessés qui, malgré la diminution de leurs forces, conservent courageusement le poste qu’ils ont juré de défendre, tandis qu’on en voit d’autres prendre la fuite sans avoir reçu la moindre blessure : de sorte qu’on peut dire avec raison qu’il y a eu plus réellement de violence commise envers celui qu’on a frappé de terreur, qu’à l’égard de celui qu’on a blessé. Que si nous considérons comme une expulsion la fuite d’une armée, occasionée par la crainte et par le simple soupçon du péril ; que si nous savons par nous-mêmes et par ouï-dire que des troupes nombreuses ont été forcées à la retraite, non-seulement par le choc des boucliers, par la lutte des corps, par les coups portés de près ou de loin, mais souvent même par les cris des soldats, au seul aspect d’une armée en bataille et des étendards, refusera-t-on, dans la paix, le nom de violence à ce qu’on appelle de ce nom dans la guerre ? Ce que l’on considère comme un danger imminent dans les opérations militaires sera-t-il regardé comme une bagatelle dans les affaires de droit civil ? Ce qui fait impression sur des corps d’armée n’en doit-il faire aucune sur une petite réunion de citoyens paisibles (34) ? Les terreurs de l’esprit seront-elles moins une preuve de violence que les blessures des corps ? Exigera-t-on qu’il y ait des blessés, quand la déroute et la fuite sont constantes ? Un de vos témoins (35) a dit que, lorsqu’il vit les amis de Cécina épouvantés, il leur