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vous en portez ; car vous ne direz pas sans doute, quand il s’agit d’un même fait et d’une même ordonnance, que votre réintégration soit juste, et non pas celle de Cécina. En effet, qui ne sentira ce qu’auraient de précaire les biens, les fortunes et les propriétés des citoyens, si l’ordonnance du préteur perdait une partie de sa force, et que l’autorité d’un tribunal aussi respectable que le vôtre parût consacrer une violence exécutée par des hommes armés, dans un procès où l’on ne conteste point qu’on a eu recours aux armes, et où l’on ne dispute que sur les mots ? Donnerez-vous gain de cause à celui qui se défendra de la sorte : « Je vous ai pourchassé avec des hommes armés, je ne vous ai point chassé ? » Ainsi le seul changement d’une syllabe (32), et non la solidité des raisons, suffirait pour faire disparaître un attentat si révoltant. Déciderez-vous que, pour un pareil crime, aucune action, aucun recours en justice n’est donné contre celui qui s’est porté contre un autre avec des hommes armés, qui, à la tête d’un rassemblement, lui a défendu non-seulement d’entrer, mais même d’approcher de sa maison ?

XIV. Quel est donc le fondement de la distinction posée par notre adversaire ? Si, quand j’aurai mis le pied sur ma propriété, on m’en expulse, on m’en chasse ; ou si, m’opposant auparavant la même violence et les mêmes armes, on m’empêche non-seulement d’y pénétrer, mais même de la regarder et d’essayer d’en approcher, y a-t-il donc entre ces deux actes de violence une différence telle qu’on soit forcé de me rétablir, si l’on m’a chassé quand j’étais entré, et qu’on ne le soit point, si l’on n’a fait que me repousser quand j’entrais ? Au nom des dieux immortels, voyez quelle jurisprudence vous