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LXVII. Si je parlais, non pas à des citoyens romains, à des amis de notre république, à des peuples pour qui le nom romain ne fût pas inconnu, non pas même à des hommes, mais à des brutes ; je vais plus loin : si, au fond du désert le plus sauvage, j’adressais aux pierres, aux roches, les accens de ma douleur, vous verriez la nature muette et inanimée s’émouvoir au récit de tant d’atrocités. Mais, parlant à des sénateurs du peuple romain, aux conservateurs des lois, aux organes de la justice, aux défenseurs de nos droits, je ne puis douter que, seul parmi les citoyens romains, Verrès ne paraisse digne de cette croix, sur laquelle on verrait avec horreur tout autre que lui. Tout à l’heure, juges, nous ne pouvions retenir nos larmes en parlant de ces capitaines frappés d’une mort injuste et cruelle ; notre douleur payait un tribut bien légitime au déplorable sort de nos vertueux alliés : que devons-nous donc faire lorsque nous voyons couler notre sang ? car ce sang est le nôtre ; l’intérêt commun et la raison nous font un devoir de le penser. Aujourd’hui tous les citoyens romains, tous, je le répète, présens, absens, en quelque lieu de la terre qu’ils se trouvent, réclament votre équité, implorent voire justice, sollicitent voire protection ; ils sont persuadés que leurs droits, leur fortune, leur conservation, et même toute leur liberté, dépendent de l’arrêt que vous allez prononcer.

Quant à moi, j’en ai fait assez pour leur cause ; cependant, si l’évènement ne répond pas à mon espérance, je ferai peut-être pour eux plus qu’ils ne demandent. Oui, si quelque main puissante arrache le coupable à votre justice (ce que je ne crains pas, juges, ce qui me paraît