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teurs, dans le forum du peuple romain, je pourrais me flatter d’attendrir l’âme de ces barbares au simple récit de tant de cruautés inouïes exercées sur des citoyens romains : car telle est la majesté de cet empire, tel est le profond respect des autres nations pour le nom romain, qu’on ne peut concevoir qu’il existe un mortel assez audacieux pour exercer la prérogative d’une semblable cruauté envers nos concitoyens. Puis-je donc me persuader, Verrès, qu’il soit pour vous aucun espoir de salut, qu’il vous reste aucun refuge, quand je vous vois dans l’impossibilité d’échapper à la sévérité de vos juges, quand je vous vois en butte à la haine publique ? Si, ce que je crois impossible, vous parvenez à vous dégager des filets qui vous enlacent, si vous pouvez vous échapper par quelque moyen que je ne puis prévoir, ce ne sera que pour retomber dans un précipice bien autrement dangereux ; et là, pour vous frapper, pour vous accabler, j’aurai l’avantage du lieu (94). Oui, juges, quand j’admettrais en faveur de l’accusé les prétextes qu’il allègue pour sa défense, ils ne lui seraient pas moins funestes que l’accusation fondée que je lui intente. Car enfin que dit-il ? Que ce sont des déserteurs venant d’Espagne, qu’il a fait arrêter et livrer au supplice. Mais qui vous l’a permis ? de quel droit l’avez-vous fait ? quel autre en a fait autant ? et de qui en avez-vous reçu le pouvoir ? Notre forum et nos basiliques sont remplis de ces déserteurs ; nous les y voyons, et nous n’en sommes point blessés. Quelque idée qu’on se forme des dissensions civiles, qu’on les regarde comme un effet de la folie humaine ou comme un arrêt du destin, comme une punition des dieux, ce n’est pas du moins en sortir trop malheureusement que de pouvoir conserver la vie aux citoyens que les armes ont épargnés (95). Mais Verrès, traître à son consul, questeur