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sentiment naturel, et qui soulève toutes les puissances de mon âme, me porte à m’en charger ; car elle a pour objet, non le salut des alliés, mais celui des citoyens romains, c’est-à-dire la vie, le sang de tous tant que nous sommes. Ici, n’attendez pas que je multiplie les preuves, comme si les faits pouvaient être douteux. Ce que je dirai du supplice de nos concitoyens sera si évident, si notoire, que je pourrais appeler en témoignage la Sicile entière ; car cette frénésie, qui est la compagne inséparable de la scélératesse et de l’audace, avait tellement bouleversé l’âme forcenée de ce monstre, l’avait frappé d’une démence si complète, que les châtimens réservés à des esclaves convaincus de crimes, jamais il n’hésitait à les infliger à des citoyens romains, en pleine assemblée, sous les yeux de tout un peuple. Qu’est-il besoin de faire l’énumération de tous ceux qui ont été battus de verges pendant sa préture ? nul n’en fut exempt ; aussi le bras du licteur se portait sur eux de lui-même, comme par habitude, et sans attendre que Verrès en eût donné le signal.

LIV. Pouvez-vous nier que, dans le forum de Lilybée, en présence d’une très-nombreuse assemblée, C. Servilius, citoyen romain, ancien négociant de Panorme, fut, devant votre tribunal, si cruellement frappé de verges et de fouets, qu’il tomba mourant à vos pieds ? Niez, Verrès, ce premier fait, si vous l’osez : il n’y a personne à Lilybée qui ne l’ait vu, personne dans toute la Sicile qui ne l’ait su. Oui, je le répète, un citoyen romain est tombé à vos pieds sous les coups de vos licteurs. Et pour quelle raison, dieux immortels ! Mais je fais injure à la cause commune, aux droits de cité, en demandant pour quel motif Servilius a éprouvé un traitement si barbare, comme si quelque motif pouvait justifier un tel attentat