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parmi ces femmes dissolues tu plaçais ton fils, mon petit-fils, à peine sorti de l’enfance, afin que, dans un âge si faible, si facile à corrompre, il eût devant les yeux l’exemple des déréglemens de son père. Tu étais préteur, et tu marchais au milieu de la province en tunique et en manteau de pourpre ! Pour faciliter tes impudiques amours, tu as ôté le commandement de la flotte au lieutenant du peuple romain, pour en revêtir un Syracusain ; tes soldats ont manqué de vivres, ils ont manqué de blé au sein de la Sicile ! Grâce à ton incontinence, à ton avarice, des brigands ont pris, ont incendié une flotte du peuple romain. Un port où, depuis la fondation de Syracuse, nul ennemi n’avait pu pénétrer, a vu pour la première fois des pirates voguer librement dans ses eaux ; et tu étais préteur ! Loin de dissimuler ces affronts, de les ensevelir dans le silence, de les effacer, s’il était possible, de la mémoire des hommes, tu as, sans aucune forme juridique, arraché de braves capitaines des bras de leurs pères, qui étaient tes hôtes, pour les traîner à la mort et les livrer aux tortures. En vain, dans leur désespoir, ces malheureux parens, tout en larmes, te suppliaient au nom de ton père ; ton cœur ne s’est point ému ; tu t’es baigné avec délices dans le sang de l’innocence. Que dis-je ? le sang a été pour toi une source de lucre ! » Si votre père, Verres, vous parlait ainsi, pourriez-vous lui demander grâce ? pourriez-vous espérer son pardon ?

LIII. J’en ai fait assez pour les Siciliens (85), assez pour mon devoir, assez pour mes obligations, pour le ministère confié à mes soins, et accepté par mon zèle. Il me reste à plaider une autre cause, que je ne me suis pas engagé à défendre, mais que j’entreprends par une conviction intime. On n’est pas venu me la confier ; un