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dites, je vous confondrai ; si vous dites autre chose, vous ne m’aurez pas répondu.

LII. Oserez-vous dire encore : « Ce juge est mon ami intime, cet autre est l’ami de mon père ? » Non, Verrès, plus on a de rapport avec vous, plus on doit rougir des accusations qui pèsent sur vous. L’ami de votre père ! Ah ! si votre père lui-même était votre juge (84), au nom des dieux, que pourrait-il faire, lorsqu’il vous dirait : « Tu étais préteur dans une province du peuple romain, et, lorsque tu avais à soutenir une guerre maritime, tu as, durant trois années de suite, dispensé les Mamertins de fournir le vaisseau qu’en vertu de leur traité ils devaient à la république ; et ces mêmes Mamertins t’ont donné un très grand navire de charge, construit aux frais de leur ville, pour ton usage particulier. Tu as mis les villes à contribution, sous prétexte d’équiper une flotte ; tu as licencié les matelots pour de l’argent ; ton questeur et ton lieutenant avaient pris un vaisseau sur les pirates, tu as soustrait leur capitaine à tous les regards, tu as fait périr sous la hache des hommes qu’on disait citoyens romains, et que beaucoup de personnes ont reconnus pour tels ; tu as osé receler des pirates dans ta maison ; c’est de ta maison que tu as fait sortir aujourd’hui leur chef pour comparaître devant les juges. Dans une province si belle, au milieu de nos plus fidèles alliés, sous les yeux des plus honorables citoyens romains, tandis que tout le monde était en crainte et la Sicile en péril, tu as passé plusieurs jours de suite mollement couché sur le rivage, et entièrement livré aux plaisirs de la table. Pendant ces longues orgies, nul n’a pu t’aborder dans ton palais, ni te voir au forum. C’était à ces festins qu’on voyait s’asseoir à tes côtés les épouses de nos alliés et de nos amis ; et