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les arts et pour les antiques. Rome était alors remplie de voleurs publics qui avaient pillé les provinces comme Verrès, et seulement avec un peu moins de scandale. Cicéron met dans tout son jour cet horrible brigandage. Il oppose les droits incontestables de la victoire à ce pillage exercé par des particuliers ; il fait sentir que les ornemens publics de la ville sont des trophées consacrés par les lois de la guerre, et des dépouilles enlevées à des ennemis, tandis que les monumens qui décorent les maisons de tant de particuliers ont été ravis à des alliés par des magistrats infidèles : In urbe nostra pulcherrima atque ornatissima quod signum, quae tabula picta est, quæ non ab hostibus victis capta, atque apportata sit ?  » Revenons aux critiques dont cette harangue a été l’objet.

On ne doit pas blâmer comme des redites les passages énergiques dans lesquels Cicéron revient sur les affreuses débauches de Verrès. L’excès du libertinage s’est toujours allié avec la soif du sang ; et en ce genre Verrès n’a fait que donner l’exemple aux plus odieux tyrans du monde romain.

Il est dans ce discours des faits qui ne sont pas assez clairement expliqués. On ne voit pas bien si Verrès garda chez lui ce chef de pirates qu’il ne fit pas mourir ; on ne comprend pas parfaitement les supercheries qu’il employa pour faire croire que ce corsaire était mort dans les supplices. Enfin on voudrait voir disparaître de cette harangue quelques détails trop peu importans par eux-mêmes pour occuper les esprits, déjà fatigués par une si longue plaidoirie. Il ne faut pas chercher à justifier Cicéron du défaut qui souvent est pour nous une source de si belles digressions ; son abondance, qui fut toujours au dessus de la fécondité même des sujets les plus abondans[1]. Déjà, au temps de Tacite et de Quintilien on trouvait bien des longueurs dans les Verrines, si l’on en juge par ces mots du dialogue sur la corruption de l’éloquence, attribué, tour à tour à l’un ou à l’autre de ces écrivains : Quis quinque in Verrem libros exspectaverit ?

Nous avons déjà dit que Verrès s’était exilé pour prévenir sa condamnation. Il est utile d’ajouter que ce fut à Rome qu’il périt. Après la mort de César, il y était rentré à la faveur d’une loi qui rappelait les bannis, et fut tué par les satellites de Marc-Antoine »

  1. Dussault i. ibidem.