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les témoins de votre avarice. Vous vous trompiez, Verrès ; oui, vous vous trompiez cruellement, en croyant effacer dans le sang de l’innocence la trace de vos brigandages et de vos infamies. Aveuglé par la folie, vous couriez à votre perte, lorsque vous pensiez que votre cruauté ferait disparaître les plaies faites par votre avarice. Les témoins de vos crimes ne sont plus, mais leurs parens vivent ; ils vivent, pour vous punir et pour les venger. Que dis-je ? plusieurs de ces capitaines respirent encore ; les voilà, ils sont devant vous. La fortune n’a soustrait tant d’innocens au supplice, que pour qu’ils assistassent à votre condamnation.

Voyez Philargue d’Halunce, qui, pour n’avoir pas fui avec Cléomène, fut accablé par les pirates, et devint leur prisonnier : du moins son malheur le sauva. Si les corsaires ne l’eussent pris, il serait tombé au pouvoir du bourreau de nos alliés. Il dépose des congés vendus aux matelots, de la disette de vivres, de la fuite de Cléomène. Voici également Phalargue de Centorbe, né au premier rang dans une des premières villes de la Sicile. Sa déposition est la même ; elle ne diffère dans aucune circonstance.

Au nom des dieux immortels, juges ! qui vous retient encore sur vos sièges ? quels peuvent être vos sentimens en écoutant ces horreurs ? Ma raison s’est-elle égarée ? suis-je trop sensible à cette grande calamité, trop indigné du désastre de nos alliés ? Est-ce que les tourmens affreux, est-ce que le désespoir de tant d’innocens ne vous pénètrent pas d’une douleur aussi profonde ? Pour moi, lorsque je dis que le capitaine d’Herbite, que celui d’Héraclée, ont été frappés de la hache, je crois avoir encore présent à mes yeux leur épouvantable supplice.