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XLV. Les condamnés sont enfermés dans la prison. Le jour de leur supplice est fixé : on le commence dans la personne de leurs parens, déjà si malheureux. On les empêche d’arriver jusqu’à leurs fils ; on les empêche de leur porter de la nourriture et des vêtemens. Ces malheureux pères que vous voyez devant vous, juges, restaient étendus sur le seuil de la prison. Les mères éplorées passaient les nuits auprès du guichet fatal qui les privait des derniers embrassemens de leurs fils ; elles demandaient pour toute faveur qu’il leur fût permis de recueillir le dernier soupir de ces chers enfans. À la porte veillait l’inexorable geolier, le bourreau du préteur, la mort et la terreur des alliéset des citoyens, le licteur Sestius (79), qui levait une taxe sur chaque gémissement, sur chaque douleur. — Pour entrer, disait-il, vous me donnerez tant (80), tant pour introduire ici des alimens. Personne ne s’y refusait. — Et vous, combien me donnerez-vous pour que je fasse mourir votre fils d’un seul coup ? combien pour qu’il ne souffre pas long-temps ? combien pour qu’il ne soit pas frappé plusieurs fois ? combien pour que je l’expédie sans qu’il le sente, sans qu’il s’en aperçoive ? Et ces affreux services, il fallait encore les payer au licteur !

Ô douleur amère, intolérable ! affreuse, étrange destinée ! Des pères, des mères, obligés d’acheter, non pas la vie de leurs enfans, mais pour eux une mort plus prompte. Que dis-je ? ces jeunes condamnés transigeaient eux-mêmes avec Sestius pour qu’il leur tranchât la vie d’un seul coup ! Des fils demandaient à leurs pères, comme un dernier bienfait, qu’ils donnassent de l’argent au licteur, pour qu’il abrégeât leur supplice ! Que d’horribles tourmens imaginés contre les pères et contre les familles ! qu’ils sont multipliés ! Mais si du