à des juges intègres, que si je paraissais vivant à leur tribunal. Vivant, je ne pourrais prouver que ton avarice ; mais la mort cruelle que tu vas me faire subir déposera de ta scélératesse, de ton audace, de ta cruauté. » Furius ajoutait ces admirables paroles : « Quand le jour de la justice arrivera pour toi, Verrès, tu ne verras pas seulement une foule de témoins déposer contre toi, mais, envoyées par les dieux Mânes, les Euménides vengeresses de l’innocence (76), les Furies qui poursuivent le crime, présideront à ta condamnation. Quant à moi, je vois sans effroi le coup fatal ; j’ai déjà vu le tranchant de tes haches, le visage et le bras de Sestius, ton bourreau, lorsqu’en présence de tant de Romains il faisait, par ton ordre, tomber les têtes de tes concitoyens. » Que vous dirai-je enfin, juges ? cette liberté que vous aviez donnée à vos alliés, Furius en usa dans toute sa plénitude, au milieu des tourmens d’un supplice réservé aux esclaves.
XLIV. Verrès les condamne tous, de l’avis de son conseil ; mais, dans une cause de cette importance, qui intéressait tant d’hommes et de citoyens, il n’avait appelé auprès de lui ni son préteur P. Vettius, ni P. Cervius, son lieutenant, homme du plus grand mérite, et que, depuis, il a le premier récusé pour juge dans le procès qui nous occupe, par la raison même que, pendant sa préture, il avait été revêtu de la lieutenance en Sicile. Il les condamna donc tous, après avoir pris l’avis de tous les brigands qui composaient sa suite. Représentez-vous la consternation des Siciliens, de ces alliés si anciens et si fidèles, que nos ancêtres ont comblés de tant de bienfaits : il n’y en avait pas un seul qui ne tremblât pour sa fortune et pour sa vie. Comment la clémence du peuple romain, la douceur de son gouvernement, s’étaient-elles changées en un