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restaient périr de faim et de misère, tandis que le préteur passait les jours entiers à s’enivrer avec des courtisanes, on devait peu s’étonner d’un affront aussi sanglant, aussi désastreux. Ces reproches, ces imputations injurieuses pour Verrès, étaient confirmés dans les sociétés par les capitaines qui s’étaient retirés à Syracuse depuis la destruction de la flotte. Chacun d’eux nommait les hommes, de son bord qui avaient eu des congés. La chose était évidente ; il ne s’agissait point ici de simples inductions : la cupidité de Verrès était prouvée par des témoins irrécusables.

XXXIX. Notre homme est averti que, dans le forum et dans toutes les réunions, on passe la journée entière à questionner les capitaines sur la manière dont la flotte a été perdue ; que ceux-ci répondent et démontrent à qui veut les entendre que c’est aux congés des rameurs, au manque de vivres, à la lâcheté de Cléomène et à sa fuite, que ce malheur doit être attribué. Sachant qu’on tenait ces propos, voici l’expédient qu’il imagina : il avait prévu long-temps à l’avance qu’il serait traduit devant les tribunaux ; lui-même vous l’a dit, juges, dans la première action ; vous l’avez entendu. Il sentit qu’avec des témoins comme ces capitaines, il lui serait impossible de. ne point succomber. Il prit donc un parti absurde à la vérité, mais qui du moins ne blessait point l’humanité.

Cléomène et les capitaines reçoivent l’ordre de passer chez lui. Ils s’y rendent. Le préteur se plaint des propos qu’ils ont tenus sur son compte ; il les prie de s’en abstenir désormais, et de vouloir bien dire qu’ils avaient eu chacun sur leur bord autant de matelots qu’il en fallait, et qu’il n’y avait point eu de congés délivrés. Tous se montrent disposés à faire ce qu’il désire. Sans perdre un