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défendu qu’aucun Syracusain établît sa demeure (71), parce qu’ils étaient persuadés que ceux qui occuperaient cette partie de la ville seraient aussi les maîtres du port. Mais quelle était la contenance des pirates pendant cette promenade ? Les racines de palmiers sauvages, qu’ils avaient trouvées dans nos vaisseaux, ils les jetaient sur le rivage, afin que tout le monde connût et la criminelle avarice du préteur et la détresse de la Sicile. Des soldats siciliens, des fils de laboureurs, de jeunes hommes dont les pères, à force de travaux, recueillaient assez de grains pour en fournir, non-seulement au peuple romain, mais à l’Italie entière ; des hommes nés dans cette île de Cérès, qui vit, dit-on, mûrir les premières moissons, avaient été trouvés réduits à ces alimens dont leurs ancêtres, par l’invention de l’agriculture, ont appris aux autres peuples à ne plus faire usage ! Vous étiez préteur, et des soldats siciliens avaient pour toute nourriture des racines de palmier, alors que des brigands se nourrissaient du froment de la Sicile ! Ô spectacle douloureux, à jamais déplorable ! la gloire de Rome et le nom du peuple romain ont, sous les yeux d’une multitude immense, été en butte à la risée des plus vils ennemis ! Un pirate, sur un misérable esquif, dans le port de Syracuse, s’est promené en triomphateur d’une flotte romaine, tandis que ses rameurs faisaient jaillir l’onde écumante jusque dans les yeux du plus inepte et du plus lâche des préteurs !

Après que les pirates furent sortis du port, non qu’ils éprouvassent la moindre crainte , mais parce que leur curiosité se trouvait satisfaite, on se mit à raisonner sur la cause d’un si grand désastre. Chacun disait, répétait hautement que, puisqu’on avait licencié une partie des soldats et des matelots, puisqu’on avait laissé ceux qui