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xx XXXV. Cependant Cléomène avait atteint le rivage d’Elore ; déjà de son vaisseau il s’était élancé à terre, laissant cet immense navire flotter à la merci des vague ?. Les autres capitaines, voyant l’amiral à terre, et ne pouvant d’ailleurs ni se défendre ni gagner le large, poussent leur vaisseau vers la côte, et rejoignent Cléomène. Héracléon, le chef des pirates, a, contre son attente, remporté une victoire due, non pas à son courage, mais à l’avarice et à la lâcheté de Verres. Maître ainsi d’une des plus belles flottes du peuple romain, poussée et jetée sur le rivage, il fit, à l’entrée de la nuit, mettre le feu à tous les bâtimens, qui furent réduits en cendres.

Ô moment désastreux, horrible pour la Sicile ! ô malheur déplorable et funeste à tant de têtes innocentes ! ô scélératesse profonde ! ô infamie sans exemple ! Dans la même nuit, au même instant, un préteur brûlait des feux les plus impurs, et les flammes allumées par les pirates dévoraient (66) une flotte du peuple romain ! La fatale nouvelle arrive tout à coup dans Syracuse, au milieu de la nuit. On court au palais du préteur, où des femmes venaient de le ramener d’un splendide festin, au bruit harmonieux des voix et des instrumens. Cléomène, malgré les ténèbres, n’ose se montrer en public ; il s’enferme dans sa maison, mais sans y trouver sa femme, qui du moins aurait pu lui offrir quelque consolation dans sa digrâce. Notre admirable général avait établi dans son palais une discipline tellement sévère, que, dans une circonstance si grave, dans une crise si terrible, personne n’avait la permission