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dépens de la sûreté publique que vous assurez votre sûreté personnelle. Pour livrer au bourreau nos ennemis vaincus, c’est votre intérêt privé, et non celui du peuple romain, que vous consultez. Ainsi l’ennemi du peuple romain demeurera à la discrétion d’un particulier. Les triomphateurs laissent vivre quelque temps les chefs ennemis, pour les enchaîner à leur char, et pour offrir au peuple romain le spectacle le plus agréable et le plus beau fruit de leur victoire ; mais au moment où le char se détourne du forum pour monter vers le Capitole, ils les font conduire dans la prison, et le même jour voit finir l’autorité des vainqueurs et la vie des vaincus.

Qui pourrait, d’après cela, révoquer en doute que, vous attendant, comme vous-même l’avez dit, à subir une accusation, vous n’auriez eu garde de ne point faire exécuter ce corsaire, au lieu de le laisser vivre, au risque évident de vous perdre ? Car enfin s’il était mort, à qui, je vous demande, l’auriez-vous persuadé, vous, qui dites avoir craint ce jugement ? Un fait constant, c’est qu’à Syracuse personne n’a pu voir ce pirate, quoique tout le monde l’eût cherché. Personne ne doutait que vous ne l’eussiez relâché, après en avoir été bien payé ; l’on disait publiquement que vous lui aviez substitué un individu, afin de le produire à sa place. Vous êtes même convenu que vous appréhendiez depuis long-temps cette accusation. Si donc vous veniez nous dire : il est mort, qui voudrait vous en croire ? Aujourd’hui que vous produisez un individu que personne ne connaît, prétendez-vous qu’on vous en croie davantage ?

Et s’il s’était enfui, s’il avait brisé ses fers, comme Nicon, ce fameux pirate (59), que P. Servilius prit une se-