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peut lui contester la préférence. Nous, qui ne sommes pas comme lui les enfans gâtés de la Fortune, il ne nous est pas donné de savourer de pareilles jouissances. Quelqu’un de nous est-il curieux de voir quelque belle production de ce genre ? Qu’il aille au temple de la Félicité, au monument de Catulus, au portique de Metellus (85) ; qu’il trouve moyen de se faire admettre dans le Tusculum (86) de quelqu’un de ces heureux mortels ; qu’il arrête ses regards sur les décorations du forum, quand ce grand amateur voudra bien prêter aux édiles quelques-uns de ses morceaux précieux. Verrès seul aura donc chez lui toutes ces belles choses ! Verrès aura ses maisons de ville et de campagne remplies, encombrées des ornemens de vos villes et de vos temples ! Tolèrerez-vous plus long-temps, juges, les goûts et les fantaisies de ce vil artisan, qui, par sa nature, par son éducation, par la tournure de son esprit et de son corps, semble plutôt fait pour porter des statues que pour en posséder (86*).

Combien l’enlèvement de cette Sapho n’a-t-il pas laissé de regrets ! Je ne saurais l’exprimer. Outre qu’elle était du plus beau travail, on lisait sur le piédestal une inscription très-connue en langue grecque ; et ce savant profond, ce Grec, ce juge si délicat des ouvrages de l’art, cet homme qui seul sait toutes choses, l’eût certainement fait disparaître s’il avait su un mot de grec ; car cette inscription, restée seule sur un piédestal vide, annonce à la fois et l’existence de la statue et son enlèvement.

Que dire de cette image d’Apollon (87), aussi parfaite que sainte et révérée ? Ne l’avez-vous pas enlevée du temple d’Esculape, où, par sa beauté autant que par son caractère sacré, elle attirait un concours perpétuel d’adora-