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monumens qui devaient orner la ville, sa maison en deviendrait elle-même le plus bel ornement. Quant à Syracuse, il y laissa un grand nombre d’objets précieux ; aucun dieu ne fut profané, il ne porta la main sur aucun. Rapprochez maintenant la conduite de Verrès, non pour comparer l’homme à l’homme, ce serait faire injure aux mânes d’un héros, mais pour opposer la paix à la guerre, les lois à la force, l’autorité tutélaire de la justice aux armes d’un ennemi, l’arrivée d’un paisible cortège à l’entrée triomphante d’une armée.

xx LV. Un temple de Minerve est dans l’île, comme je l’ai déjà dit. Marcellus s’abstint d’y toucher, et le laissa rempli de tous ses ornemens. Verrès l’a spolié, ravagé, non comme un ennemi qui, même dans la guerre, aurait respecté la religion et le droit des gens, mais comme un barbare pirate qui ne se plaît qu’à détruire. Un combat de cavalerie, livré par le roi Agathocle (80), y était admirablement représenté ; et une suite de tableaux semblables couvraient les parois intérieures du temple. Syracuse ne possédait pas de peintures plus vantées, et qui parussent plus dignes d’attirer les regards du voyageur. Quoique la victoire de Marcellus eût rendu tous ces objets profanes (81), néanmoins, par scrupule de religion, il s’abstint d’y porter la main. Mais Verrès, pour qui une longue paix et la fidélité constante des Syracusains devaient rendre à ces tableaux leur caractère inviolable et sacré, Verrès les a tous emportés : ces murailles dont les décorations avaient subsisté tant de siècles, échappé à tant de guerres, il les a laissées nues et dégradées.

Marcellus, qui avait fait vœu d’ériger deux temples dans Rome s’il prenait Syracuse, ne voulut pas faire servir à leur décoration les objets précieux qu’il avait con-