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IX. Le chef de tous ces prétendus décimateurs était ce Q. Apronius, que vous voyez devant vous, et dont la perversité sans exemple vous est attestée par les députations les plus respectables, dont vous avez entendu les doléances. Remarquez, juges, son air, son regard ; et, par l’effronterie qu’il vient déployer ici dans une situation désespérée, essayez de vous représenter l’arrogance qu’il étalait au milieu de la Sicile. Oui, c’est cet Apronius que Verrès, qui, dans toute la province, avait rassemblé de toutes parts les hommes les plus corrompus, quoiqu’il eût d’ailleurs amené d’Italie un assez grand nombre de ses pareils, c’est cet Apronius que, pour la perversité, la débauche et l’audace, il adopta comme un autre lui-même. Aussi bientôt se forma-t-il entre eux une étroite union, fondée non point sur la réciprocité d’affaires et d’intérêts, ni sur aucune estime, mais sur la conformité de leurs penchans honteux. Vous connaissez les mœurs perverses de Verrès et sa dépravation : figurez-vous, si vous le pouvez, un homme capable de se mettre à tout moment à l’unisson de ses infamies, de ses dissolutions ; et vous connaîtrez cet Apronius de qui, non-seulement la conduite, mais encore la corpulence, les traits, dénotent un gouffre, un abîme immense de vices et de turpitudes. C’était lui que, dans tous ses attentats à la pudeur, dans ses spoliations de temples et dans ses orgies impures, Verrès employait de préférence. La conformité de leurs mœurs les avait tellement rapprochés, que cet Apronius, ignare et grossier aux yeux de tous les autres, paraissait au seul Verrès charmant et disert ; cet homme que chacun détestait et refusait de voir, Verrès ne pouvait s’en passer ; cet homme, avec lequel personne ne voulait se trouver à table, buvait dans la même coupe