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Sachez qu’on fit venir de Lilybée quelques manœuvres d’extraction barbare qui, n’étant informés ni des faits, ni du culte religieux qu’on rendait à cette Diane, l’enlevèrent du piédestal, après avoir reçu leur salaire. Représentez-vous le concours prodigieux des femmes, au moment où cette image vénérée fut emportée hors de la ville ! Que de larmes répandaient les vieillards, dont plus d’un se ressouvenait du jour (65) où cette même Diane, ramenée de Carthage à Ségeste, avait annoncé, par son retour, la victoire du peuple romain. Que les temps étaient changés ! Alors un général du peuple romain, un héros couvert de gloire, rendit aux Ségestains les dieux de leurs pères qu’il avait reconquis sur une ville ennemie. Maintenant, ils voyaient un préteur de ce même peuple romain, un homme souillé de crimes et d’infamies, enlever, par le sacrilège le plus horrible, à une ville alliée ces mêmes dieux. Qui dans toute la Sicile ne sait que toutes les femmes, toutes les filles de Ségeste, se portèrent en masse sur le passage de la déesse au moment où elle fut emportée hors de la ville ; qu’elles la couvrirent de parfums, de couronnes et de fleurs, et brûlèrent en son honneur l’encens le plus pur ?

Oui, Verrès, si ces démonstrations d’une piété si vive ne purent ébranler votre âme, alors que votre cupidité et votre audace étaient armées du pouvoir, serait-il possible qu’aujourd’hui même encore, au milieu des dangers qui menacent votre existence et celle de vos enfans, le souvenir d’un pareil attentat ne vous inspirât aucun effroi ? Quel mortel voudra vous secourir au mépris des dieux irrités ? Et de quel dieu attendez-vous le secours, âpres avoir profané leur culte et leurs au-