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le temple du maître des dieux, n’éclairera donc plus que des festins où les convives, plongés dans la débauche, brûlent incessamment de flammes impures. On verra, dans le repaire du plus infâme libertin, les ornemens du Capitole confondus avec les meubles d’une Chélidon ! Quel objet pourra désormais être sacré pour Verrès, et lui paraître digne de respect, lui à qui un pareil attentat n’inspire aucun remords, qui se présente devant la justice sans avoir, comme tous les accusés, la ressource d’invoquer le très-bon, le très-grand Jupiter, et d’implorer son assistance ; lui à qui les dieux redemandent leurs trésors devant un tribunal qui ne fut institué par les mortels que pour la revendication des seuls biens des hommes ? Faut-il s’étonner, après cela, qu’il ait pillé le temple de Minerve à Athènes, celui d’Apollon à Délos, celui de Junon à Samos, et dans Perga celui de Diane ; que toute l’Asie et la Grèce aient vu leurs dieux profanés par un scélérat dont les mains n’ont pas même respecté le Capitole ? Ce temple, que les particuliers se font et se feront toujours honneur d’orner à leurs dépens, Verrès n’a pas voulu qu’il fût décoré par des rois. Après cet attentat sacrilège, rien dans la Sicile n’a pu arrêter son audace impie ; et telle a été sa conduite pendant les trois années de sa préture, qu’on eût pu croire qu’il avait déclaré la guerre aux dieux aussi bien qu’aux hommes.

xx XXXIII. Ségeste est une des plus anciennes villes de la Sicile. On assure qu’elle fut fondée par Énée (61), lorsque, échappé à la ruine de Troie, il aborda sur ces rivages. Aussi les Ségestains se croient-ils unis au peuple romain par les liens du sang encore plus que par cette alliance durable, à laquelle ils ont toujours été fidèles. Cette ville autrefois, dans une guerre qu’elle eut à soutenir en