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Vous voilà donc, juges, instruits de tout ce qui concerne l’administration des blés ; et vous ne pouvez douter que pour le peuple romain la Sicile, c’est-à-dire la plus fructueuse et la plus utile de nos provinces, est perdue sans retour, si vous ne la lui rendez par la condamnation de Verrès. Qu’est-ce en effet que la Sicile, si vous lui ôtez l’agriculture, et si vous détruisez la classe des laboureurs, jusqu’au dernier ? Est-il encore quelque genre de calamité qui, sous sa préture, ne soit venu accabler ces infortunés laboureurs, victimes de tant d’injustices et d’outrages ? Ils ne devaient payer que la dîme ; à peine si la dîme de leurs récoltes leur a été laissée. L’argent qui leur était dû, ne leur a point été payé ; et, malgré la généreuse estimation décrétée par le sénat en leur faveur, pour le blé destiné à la maison du préteur, ils ont été forcés de vendre jusqu’à leurs instrumens aratoires.

xx XCVIII. Je le répète, juges, quand vous pourriez réprimer à jamais toutes ces vexations, ce qui attache le laboureur à ses travaux, c’est l’espérance, et je ne sais quel attrait, plutôt que le revenu et le bénéfice qu’il en retire. Chaque année il abandonne au hasard et à mille chances diverses l’avance certaine de ses travaux et de ses fonds. Le blé n’a de valeur que si la récolte est mauvaise ; est-elle abondante, il se vend à vil prix. Ainsi la vente est peu favorable quand on a beaucoup récolté, et l’on ne peut vendre à un prix raisonnable que lorsque le grain a peu donné. En matière d’exploitation agricole, ce n’est ni la prévoyance, ni le travail qui déterminent le succès, mais tout ce qu’il y au monde de plus variable, les vents et les saisons. Après qu’une première dîme est prélevée en vertu de la loi et des traités, et qu’ensuite une seconde dîme est, dans l’intérêt de nos subsistances,