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actes. Mais il lui est absolument impossible de nier : toute la Sicile l’accuse ; dans un si grand nombre de cultivateurs, il n’est personne de qui il n’ait tiré de l’argent sous prétexte de l’approvisionnement de sa maison. Je voudrais encore qu’il pût dire que cette affaire ne le regarde point ; que tout ce qui avait rapport aux grains s’était fait par ses questeurs. Mais cette excuse même lui est interdite ; car voici les lettres qu’il a écrites aux villes, pour fixer l’estimation du blé à trois deniers le boisseau. À quoi donc se réduit sa défense : « J’ai fait ce dont vous m’accusez, j’ai levé de très-fortes sommes sous prétexte de l’approvisionnement de ma maison ; mais j’en avais le droit, et vous l’aurez comme moi, juges, si, dans votre intérêt, vous songez à l’avenir ? » Il serait dangereux pour nos provinces d’autoriser par votre jugement un mode d’exactions ; il serait pernicieux pour notre ordre de donner au peuple romain sujet de penser que ceux qui sont, comme tous les autres, soumis aux lois, ne peuvent, dans leurs fonctions judiciaires, maintenir religieusement ces mêmes lois. Et sous la préture de Verrès, juges, toutes les règles ont été violées, non pas seulement dans l’estimation du blé, mais même dans la quantité qu’on en requérait. Il n’exigeait pas seulement ce qui lui était dû, mais ce qui était à sa convenance. La somme totale du blé qu’il a requis sous prétexte de ses provisions, connaissez-la, juges, d’après les registres publics et les dépositions des villes : vous trouverez qu’elle est cinq fois plus forte que la loi ne lui permettait de réclamer des villes à ce titre. L’impudence peut-elle aller plus loin, puisque, non content d’évaluer son blé à un prix qui excédait les moyens des contribuables, il a exigé encore bien au delà de ce que les lois lui accordaient ?