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Vous pouviez enfin faire ce qu’ont fait la plupart avec un bénéfice honnête et légitime ; alors, sans acheter le blé, puisqu’il était à vil prix, vous auriez pris, sur la somme que vous aurait comptée le sénat, l’argent nécessaire à la consommation de votre maison.

LXXXV. Mais qu’avez-vous fait ? comment rendre raison de votre conduite, je ne dis pas d’après les règles de la justice, mais d’après les principes même des hommes les plus pervers et les plus impudens ? Car il n’y a guère d’acte criminel qu’un magistrat, quelque dépravé qu’il soit, ose se permettre, sans se ménager un motif d’excuse bon ou mauvais, et sinon réel, du moins plausible. Ici, comment procède Verrès ? Le préteur arrive. Il faut, dit-il, que je vous achète du grain. — Volontiers. — Je vous le paierai un denier le boisseau. — À merveille, rien de plus généreux ; car je ne puis en trouver trois sesterces. — Mais, pour mon compte, je n’ai pas besoin de grain ; je veux de l’argent. — J’avais espéré, reprend le cultivateur, que ce serait vous qui me compteriez ces deniers ; mais, puisqu’il le faut absolument, considérez ce que vaut le blé. — Mais, je le sais, deux sesterces.— Puisque le sénat vous en passe quatre, que pouvez-vous exiger de moi ? — Quelle sera la réponse de Verrès ? Écoutez, juges, et admirez l’équité de ce préteur. — Les quatre sesterces que le sénat m’a alloués et fait compter par le trésor, je les garderai, et de la caisse de l’état ils passeront dans mes coffres. — Après ? — Après, pour chaque boisseau que je vous impose, vous me donnerez huit sesterces. — Pour quelle raison ? — Oh, la raison! il s’agit bien de cela : c’est mon intérêt, c’est mon profit que je cherche. — Parlez, parlez plus clairement. Le sénat a décrété que je vous livrerais des grains, et que