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animent le commun des hommes, mais de suivre dans toute sa vie, par une sorte de nécessité, les lois de la probité et de l’honneur.

Aussi, juges, a-t-on souvent entendu dire à l’un de nos orateurs les plus illustres et les plus éloquens, L. Crassus, qu’il n’y avait rien dont il se repentît autant que d’avoir accusé C. Carbon (1). Depuis cette époque, il se trouvait bien moins libre de faire toutes ses volontés, et il lui semblait voir sans cesse ouverts sur sa conduite beaucoup plus de regards qu’il n’aurait voulu. Quoiqu’il fût doué de tous les avantages du talent et de la fortune, cette idée le retenait sans cesse, et c’était comme un frein que, sans avoir encore un plan de vie bien arrêté, il s’était imposé à lui-même à son entrée dans le monde. Voilà pourquoi les jeunes gens qui se font accusateurs donnent une bien moins haute idée de leur vertu et de leur intégrité que ceux qui attendent la maturité de l’âge pour s’engager dans cette carrière. Mais, avant qu’ils aient pu réfléchir combien on est plus libre dans sa conduite lorsqu’on n’a accusé personne, l’amour de la gloire et la vanité poussent les jeunes gens à se rendre accusateurs. Pour nous, qui avons déjà fait connaître et notre capacité et nos faibles lumières, si nous n’avions pris un empire absolu sur nos passions, nous ne nous serions jamais privés nous-mêmes de la liberté de vivre à notre fantaisie.

II. Quant à moi, je m’impose un plus lourd fardeau que les autres accusateurs, si l’on peut appeler fardeau ce que l’on porte de bon cœur et avec plaisir. Mais enfin mon entreprise exige de moi plus de sacrifices que d’aucun autre d’entre eux. On leur demande à tous qu’ils s’abstiennent surtout des vices qu’ils blâment dans un autre. Est-ce un fripon, un voleur que vous accusez ? il vous faudra