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riche en ressources, plus digne de considération. Verrès lui ordonna, chaque année, de fournir soixante mille boisseaux de froment ; mais, au lieu de grains, il leva la contribution en argent, d’après le cours vénal du blé en Sicile : quant à l’argent qu’il avait reçu du trésor, il a tout gardé. Je ne revins pas de mon étonnement, lorsque ce fait me fut démontré dans Halèse, en plein sénat, par un homme rempli de talent, de sagesse, et jouissant de la plus haute considération, par l’Halésien Enéas, que le sénat avait chargé de nous remercier, mon parent (64) et moi, au nom de la ville, et de nous donner tous les renseignemens nécessaires pour l’accusation. Il nous apprit quel était l’usage et la règle suivie par Verrès. Après que tout le blé, à titre de dîmes, avait été mis à sa disposition, il avait coutume d’exiger de l’argent des villes, de rejeter leur blé ; et, quant à celui qu’il était tenu d’envoyer à Rome, de le prélever seulement sur ses bénéfices et sur la quantité levée à son profit. Je me fais représenter les registres ; je parcours la correspondance ; j’y vois que les Halésiens, qui avaient été imposés à soixante mille boisseaux de blé, n’en avaient pas fourni un grain, mais qu’ils avaient donné de l’argent à Volcatius, à Timarchide, au greffier. J’y trouve la preuve d’un insigne brigandage : le préteur, qui devait acheter du blé, n’en achetait point, mais il en vendait ; et l’argent qu’il devait distribuer aux villes il le détournait entièrement à son profit, et se l’appropriait. Ici je n’apercevais plus un vol, mais un attentat énorme et monstrueux. Rejeter le blé des villes, y substituer le sien ; après l’avoir substitué, y mettre un prix arbitraire ; ce prix qu’on venait d’y mettre, le faire payer aux villes, et l’argent qu’on avait reçu du peuple romain le garder pour soi, que de cir-