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Les publicains vous ont remercié, dites-vous, et vous citez en preuve une lettre de Carpinatius. Mais enfin cet argent fourni par le trésor public, et qui vous avait été remis pour l’achat des grains, l’avez-vous fait valoir ? vous a-t-il produit deux pour cent d’intérêt ? Je crois bien que vous le nierez ; l’aveu serait trop honteux, et vous compromettrait. C’est donc à moi de le prouver, et la tâche est très-difficile. Quels témoins produirai-je ? Nos fermiers-généraux ? Vous les avez traités d’une manière si honorable, ils se tairont. Leurs registres ? Ils ont eu soin de les faire disparaître. Quel parti prendre ? Un fait aussi révoltant, un délit qui annonce tant d’audace et d’effronterie, faut-il donc le passer sous silence ? Oh ! je ne le puis, juges ; non, je ne le ferai pas. Il me faut un témoin ; j’en ai un. Et qui donc ? L. Vettius Chilon, chevalier romain plein d’honneur et de mérite. L’amitié, des liens de famille, l’unissent avec l’accusé ; et à ce titre, quand même il ne serait pas honnête homme, parlant contre Verrès, son témoignage serait d’un grand poids ; mais il est si honnête homme, que, fût-il son ennemi déclaré, on n’en devrait pas moins ajouter foi à son témoignage. Je vois l’étonnement de Verrès, et son impatience de savoir ce que va dire Vettius. Il ne dira rien pour la circonstance, rien de sa propre intention, rien qui dans le moment ne lui ait paru sans conséquence. Il a adressé en Sicile une lettre à Carpinatius, lorsqu’il était à la tête de la ferme des pâturages et chef d’une compagnie de publicains : cette missive, je l’ai trouvée à Syracuse dans le portefeuille des lettres reçues par Carpinatius, comme aussi à Rome dans les minutes des lettres envoyées à divers, chez Tullius, un des chefs de la ferme, votre ami intime, Verrès. Cette lettre vous ap-