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votre fortune! Vous avez gardé le silence, vous avez même apaisé la querelle, et vous eûtes soin que le défi judiciaire ne fût pas accepté.

LVIII. Grands dieux! un homme innocent aurait-il souffert un tel affront ? Un coupable, même pour peu qu’il eût réfléchi qu’il trouverait à Rome des tribunaux, n’aurait-il pas cherché quelque biais afin de ramener à soi l’opinion publique ? Eh quoi! l’on veut publiquement intenter un procès qui compromet votre existence et votre fortune, et vous restez assis, vous demeurez tranquille, vous ne donnez aucune suite à cette affaire, vous n’insistez pas, vous ne recherchez pas à qui Apronius a parlé, qui l’a entendu, qui a donné lieu à ce propos, comment il s’est répandu! Si quelqu’un était venu vous dire à l’oreille qu’Apronius se donnait partout pour votre associé, vous auriez dû en être indigné, mander Apronius, et n’accepter de satisfaction de lui qu’après avoir satisfait vous-même à l’opinion publique. Mais, lorsque c’est au milieu d’une place si fréquentée, devant une assemblée si nombreuse, qu’on a lancé un trait en apparence dirigé contre Apronius, en réalité contre vous, auriez-vous supporté ce coup en silence, si vous n’aviez pensé que tout ce que vous auriez pu dire sur un fait aussi notoire n’aurait fait qu’agraver le mal ? Souvent des gouverneurs ont renvoyé leurs questeurs, leurs lieutenans, leurs préfets, leurs tribuns ; ils leur ont enjoint de sortir de la province, parce qu’ils croyaient que c’était par la faute de ces agens qu’eux-mêmes ne jouissaient pas d’une bonne réputation, ou parce que la conduite de ceux-ci ne leur paraissait pas entièrement irréprochable ; et un Apronius, un homme à peine libre, souillé de crimes, sans moyens, usé de libertinage, dont l’haleine est aussi corrompue que