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le voyez, juges : il a, dit-il, écrit aux laboureurs ; et dès son arrivée il les a rassurés, il a employé pour cela toute son influence. Peu s’en est fallu qu’il ne leur ait donné des cautions pour leur persuader qu’il ne ressemblerait en rien à Verrès. Mais quel motif a donc pu l’engager à prendre tous ces soins ? Lisez. Pour déterminer les laboureurs qui restaient à ensemencer leurs terres. Les cultivateurs qui restaient ! Que veut dire qui restaient ? A quelle guerre, à quelle dépopulation avaient-ils échappé ? Quoi donc ! aurait-on vu fondre sur la Sicile, durant votre préture, de telles calamités et une guerre si longue et si meurtrière, que votre successeur semblât réduit à recueillir et à ranimer le peu de laboureurs qui restaient ?

LIV. Pendant les guerres puniques la Sicile fut dévastée ; elle l’a été depuis du temps de nos pères et du nôtre : alors deux fois cette province fut en proie aux esclaves (49) fugitifs, sans cependant qu’elle ait eu à regretter le massacre de ses laboureurs ; seulement, les semailles n’ayant pas été faites, ou la récolte ayant été détruite, on eut à regretter la moisson d’une année : mais le nombre des propriétaires et des laboureurs se maintint toujours au complet. Les préteurs qui succédèrent à M. Lévinus, à P. Rupilius ou à Man. Aquillius (50) dans la province, ne furent point réduits à recueillir ce qui restait de laboureurs. Verrès et Apronius auraient donc fait peser sur la Sicile plus de calamités que ne l’ont fait ou Asdrubal avec une armée carthaginoise, ou Athénion avec ses nombreuses bandes de fugitifs ? Dans ces temps-là, dès que l’ennemi avait été vaincu, partout on reprenait la culture, et il n’était pas nécessaire que le préteur adressât des lettres suppliantes ou d’instantes prières au laboureur pour qu’il semât le plus qu’il pourrait. Et maintenant même,